L’avant-projet de loi, dit d’urgence, pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables en France vient d’être publié au cœur de l’été et soumis à consultation avant présentation mi-septembre au conseil des ministres. Un texte qui se veut comme un électrochoc pour stimuler l’ensemble des filières renouvelables et leur donner enfin les moyens de leurs ambitions. Autour d’un mantra : la simplification des procédures. Et oh surprise ! Voilà qu’au sein de cet avant-projet, il n’est à aucun moment fait allusion à l’autoconsommation. Le mot, celui qui fait foi, n’est même jamais stipulé dans les textes. Le sujet n’est pas traité. Une incongruité qui soulève quelques soupçons quant au statut de l’autoconsommation au sein du débat national sur l’énergie. Une vérité qui dérange.
Qui veut du mal à l’autoconsommation ? Pourquoi une telle indifférence ? Le caractère d’urgence ne serait-il pas à l’ordre du jour de cette thématique très porteuse qu’est l’autoconsommation ? On s’époumone de le penser. D’autant que l’autoconsommation jouit depuis quelque temps déjà d’une forte appétence, d’une cote d’amour jamais vue, avec une explosion des demandes de devis pour les particuliers et les chefs d’entreprise sur fond d’anticipation d’une flambée des prix à venir de l’électricité. Et là, dans l’avant-projet de loi censé faire rayonner le solaire en France, rien ! Incompréhensible omission alors que l’autoconsommation représenterait même une économie pour le budget de l’Etat à l’heure où la dette de la France frise les 3000 milliards d’euros !
Il faut dire que la notion même d’autoconsommation a toujours eu du mal à se faire une place dans l’écosystème énergétique français très centralisé. De consultations dilatoires, en ratification abrogée… Comme pour retarder l’échéance d’une solution énergétique en circuits-courts qui fait pourtant florès depuis des années chez nos voisins allemands, espagnols, italiens et j’en passe. Comme une évidence ! Seule lueur entrevue ces dernières semaines, les propos de la nouvelle présidente de la CRE, Emmanuelle Wargon qui s’est dite favorable au principe, stipulant qu’il était possible « d’aller plus loin sur le soutien à l’autoconsommation, qui peut être un élément important, y compris d’acceptabilité des énergies renouvelables. » Une parole hélas trop isolée au vu de l’impasse de l’avant-projet de loi.
Pourtant les raisons de proposer de nouvelles mesures d’urgence pour donner plus d’allant à l’autoconsommation ne manquent pas à l’heure où l’Union Européenne n’a de cesse d’inciter à la création de communautés d’énergies renouvelables sur l’ensemble du continent. Les sujets à traiter sont légions notamment pour l’autoconsommation collective qui permettra, seule, un véritable changement d’échelle de cette technologie.
Quid de la problématique dirimante du Turpe et des taxes toujours en suspens pour la distribution d’électricité verte locale ? Que dire de la commande publique de fourniture d’électricité figée via des appels d’offres qui imposent des contrats courts de cinq ans au moins disant alors que l’amortissement d’un parc solaire nécessiterait une logique financière à vingt ans ? Un blocage intempestif pour les collectivités qui n’ont qu’une idée en tête : s’approprier des ressources énergétiques au profit de leur territoire et avoir ainsi un impact direct sur les changements climatiques par le contrôle des émissions de CO2.
Autre obstacle majeur, une société de projet ne peut être aujourd’hui dédiée à 100% à un programme d’autoconsommation collective ce qui freine des quatre fers les investissements privés sur ce type d’initiative. Sans oublier d’autres artefacts qui entravent un développement soutenu de l’autoconsommation en France. Autant de raisons de se pencher une bonne fois pour toute sur le sujet, avec volontarisme et application. Alors certes, l’avant-projet de loi est bel et bien ouvert à des amendements qui ne manqueront pas de fleurir pour évoquer la thématique de l’autoconsommation. N’en doutons pas ! Il eût été cependant plus pertinent pour nos élites des cabinets ministériels d’anticiper et d’en faire part dans l’ébauche de la future loi d’exception. Tant il est vrai que le partage d’électrons solaires, produits localement, entre collectivités et citoyens fait sens au sein d’un monde de l’énergie plus incertain que jamais, sous l’épée de Damoclès d’un conflit armé et de dérives climatiques devenues incontrôlables.