Un amendement voté par surprise à l’Assemblée nationale prévoit un moratoire sur le solaire et l'éolien en France. Une décision qui provoque la stupeur des professionnels du secteur. Ils dénoncent un coup d’arrêt brutal pour cette filière en plein essor, et largement plébiscitée par les Français.
Un "moratoire" adopté jeudi 19 juin en première lecture à l'Assemblée nationale, par un vote conjoint de la droite et de l'extrême droite, prévoit que plus aucun projet solaire ou éolien ne puisse être autorisé, ni subventionné, tant que de nouvelles études ne seront pas faites pour "déterminer le mix énergétique optimal pour la France, sur les plans économique et environnemental".
Une première étape
De quoi faire bondir André Joffre, président du pôle de compétitivité Derbi-Cémater, basé en Occitanie, entre Perpignan et Montpellier : "L’État a diligenté des études depuis belle lurette, notamment via RTE, un organisme détenu à 50% par EDF et à 50% par l’État. Elles montrent l'importance du solaire, aujourd'hui plus compétitif que le nouveau nucléaire et sur lequel il faut continuer d'investir."
"Ce n’est pas un gadget"
Pour André Joffre, il n'y a pas débat sur la question mais une bataille culturelle est à mener : "On donne l’impression que le solaire est un gadget. Mais les gens qui économisent 30 à 40% sur leur facture grâce à leurs panneaux savent que c’est une énergie d’avenir, qui permet de réelles économies. Aujourd'hui, les installations solaires sont amorties en cinq à six ans."
"Ce vote est totalement à contre-courant de l’opinion, puisque les Français, dans les différents sondages, déclarent qu’ils sont favorables aux énergies solaires", note-t-il. Selon une étude menée en avril 2025 par l'Ifop pour le géant de l'énergie Engie, 84% des Français ont en effet une bonne image des énergies renouvelables, et selon ce même sondage, 94% des riverains qui vivent à proximité immédiate de sites renouvelables y sont favorables.
160.000 emplois menacés
Si le texte était définitivement voté, ce moratoire mettrait à l’arrêt une filière en pleine croissance. "Ce serait une catastrophe économique. Dans les Pyrénées-Orientales, nous avons plus de 100 installateurs qualifiés. Sur toute la France, 160.000 emplois seraient directement menacés. Ce serait un plan social voté par l’Assemblée nationale et ce serait inédit", pointe du doigt André Joffre.
Derrière le vote, il voit surtout une crispation politique : "Le solaire et toutes les énergies renouvelables ont été pris en otage d’un combat politique qui n’a pas lieu d’être. On voit un clivage entre, d'un côté, la droite et l’extrême droite et, de l'autre, les partis écologistes, de gauche et centristes, alors que le sujet devrait faire consensus."
Trois députés des Pyrénées-Orientales sur quatre ont voté pour
Sur ce sujet, seules trois des quatre députées des Pyrénées-Orientales ont pris part au vote. Les élues RN Anaïs Sabatini, Sandrine Dogor-Such et Sophie Blanc se sont exprimées "pour" ce moratoire. Michèle Martinez n'a pas participé au vote jeudi, absente de l'hémicycle pour raison familiale, elle est néanmoins la seule à avoir répondu à nos sollicitations et assure être présente et voter "pour" lors du prochain vote. En effet, le texte doit encore faire l’objet d’un vote solennel mardi prochain.
D'ici là, les acteurs du secteur se mobilisent. "Nous avons écrit à tous les députés d’Occitanie pour leur demander de venir voter et de s’opposer à cette loi. L’absentéisme a permis le premier vote, on ne peut pas laisser passer ça."
Le président de Derbi-Cémater attend toujours une prise de conscience collective : "J'espère que les parlementaires vont changer d'avis en prenant aussi conscience de l'impact économique négatif qu'une telle loi aurait sur les Pyrénées-Orientales. Dans notre région, le soleil est une des rares matières premières. On l'exploite déjà pour l'agriculture ou pour le tourisme, mais il y a aussi la voie de l'énergie renouvelable, avec le solaire pour produire de l'électricité et ça, c'est une chance", n'oublie-t-il pas de souligner.