Sous l’impulsion des élus RN, l’Assemblée nationale a voté un moratoire sur l’éolien et le solaire photovoltaïque. Un choc ! Décryptage avec Arnaud Gossement, avocat spécialisé dans le droit de l’environnement !
Jeudi 19 juin 2025, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, les députés ont adopté un amendement n°486 déposé par le Groupe LR pour imposer un « moratoire » sur l’éolien (terrestre ou maritime) et le solaire photovoltaïque. Un amendement qui interdirait à l’administration d’instruire une demande d’autorisation ou de renouvellement d’autorisation d’un projet éolien ou solaire, à compter de la date de promulgation de la loi et pour une durée indéfinie.
« On entend une petite musique de fonds qui met avant le climato-scepticisme et dénigre les énergies renouvelables »
Pour Arnaud Gossement, ce moratoire sur l’éolien et le solaire photovoltaïque est tout sauf une surprise. « Depuis quelques temps, on entend une petite musique de fonds qui met avant le climato-scepticisme et dénigre les énergies renouvelables. C’est dans l’air. Et puis souvenons-vous, la proposition de moratoire était déjà dans le programme de Marine Le Pen pour les dernières Présidentielles. Elle en faisait même une question centrale de son programme énergétique. L’éolien était certes visé en priorité, mais les propositions autour du solaire étaient particulièrement alambiquées et ambiguës ». Dans le même registre, la proposition de loi du RN portée par Jean-Philippe Tanguy en parallèle de celle portée par le sénateur Daniel Gremillet annonçait aussi la couleur avec la volonté de revenir sur l’éolien et le solaire. Autant de prémices qui expliquent l’adoption de cet amendement en séance publique !
La notion d’énergie décarbonée, le Cheval de Troie
Les débats sur la proposition de loi ont débuté le 16 juin dernier. Et sans mauvais jeu de mot, ils sont particulièrement électriques et très centrés autour de l’opposition entre tenants du nucléaire et adeptes des renouvelables. « La notion d’énergie décarbonée est revenue dans le jeu. C’est un véritable cheval de Troie vieux d’une vingtaine d’années, déjà mis en avant sous Chirac. Nos députés à droite de l’échiquier veulent revenir sur ce combat perdu d’avance entre nucléaire et EnR au nom du poids carbone. Occultant l’essentiel, à savoir le flux inépuisable des EnR face au stock limité du nucléaire » poursuit Arnaud Gossement.
“Il faut faire attention”
Sur le plan juridique, cet amendement est si caricatural que son avenir semble incertain. « Il ne faut ni l’exagérer, ni le minorer. Il faut demeurer attentif. Il faut déjà attendre la position du Sénat où il n’y a pas que des « pros » renouvelables. Cet amendement peut également être la base de compromis. Exemple. L’amendement n’évoque pas de fin du moratoire. On pourrait imaginer des compromis autour de sa durée. Saisi, le Conseil Constitutionnel pourrait laisser passer. Cet amendement, contraire au droit européen, pourrait alors faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat. Dans ce cadre, le temps de la procédure aurait de quoi mettre à genoux la filière » déplore l’avocat spécialisé dans les EnR, inquiet également de voir de si faibles contingents de députés dans l’hémicycle en séance publique pour l’examen d’une loi d’une telle importance pour l’avenir du pays. « L’heure est à la mobilisation face à la menace. Il faut faire attention. Il y a un nombre non négligeable de députés qui sont sensibles aux arguments du moratoire » conclut-il.