Lors du débat sur la souveraineté énergétique organisé au Sénat, le sénateur écologiste Yannick Jadot a livré une intervention vigoureuse contre la politique énergétique du gouvernement, et notamment contre le choix d’un recours massif au nucléaire. Un discours porteur d’une ligne de fracture claire : celle entre un gouvernement qui « casse la dynamique de la transition », et ceux qui appellent à « investir utilement » dans les économies d’énergie et les renouvelables.
Dès l’ouverture de son intervention, le sénateur du groupe Écologie – Solidarité – Territoires a posé les enjeux : « Adapter notre système énergétique au plus grand défi du siècle, celui du dérèglement climatique », et « tirer les leçons de la guerre en Ukraine et de nos dépendances aux énergies fossiles, trop souvent synonymes de complaisance envers des régimes autoritaires ».
S’il reconnaît la nécessité d’entretenir le parc nucléaire existant « probablement jusqu’au milieu du siècle », Yannick Jadot juge que l’urgence climatique comme la raison économique exigent un rééquilibrage profond du mix énergétique, reposant sur la sobriété, l’efficacité énergétique, et un déploiement massif des renouvelables. « Vous avez parlé de raison, mais reconnaissons que la raison n’est pas toujours présente dans cet hémicycle quand on parle de nucléaire », lance-t-il au Premier ministre.
Le sénateur écologiste s’attarde longuement sur les coûts et les retards des EPR : « En 2020, la facture des 6 premiers EPR2 était estimée à 51 milliards. Aujourd’hui, on parle de 100 milliards, soit 16 milliards par réacteur, alors même que la conception n’est pas achevée », s’inquiète-t-il. Et de rappeler que l’EPR de Flamanville est passé de 3 à 23 milliards d’euros, tandis que les deux réacteurs britanniques d’Hinkley Point ont doublé de coût. Pour lui, « le programme EPR2 que vous portez n’est ni finançable, ni rentable ».
Sur les délais, Jadot enfonce le clou : « Aucun EPR2 ne sera opérationnel avant 2040. L’urgence climatique, elle, est immédiate. Nos émissions repartent à la hausse, notre pays s’est déjà réchauffé de 2°C, et l’an dernier, notre addiction aux énergies fossiles nous a coûté 60 milliards d’euros d’importation. »
La critique s’élargit ensuite à la politique de rénovation thermique et à la mobilité : baisse des budgets pour l’électrification, affaiblissement des aides aux transports collectifs, abandon de filières industrielles liées au renouvelable. « Pendant que les usines de panneaux solaires et d’éoliennes ferment, faute de volonté politique et de protection contre le dumping chinois, vous prétendez parler de souveraineté ? », interroge-t-il.
Enfin, Yannick Jadot s’inquiète d’une dérive politique. « L’extrême droite soutient le tout-nucléaire en assumant son climatoscepticisme. Elle attaque l’État de droit et l’agenda climatique. Si vous la suivez, vous mettez en péril la démocratie comme l’habitabilité de notre pays. »
En conclusion, il reprend une formule du Premier ministre : « C’est sur votre action que nous jugerons votre vérité. » Et propose une alternative claire : sobriété, efficacité, renouvelables, sécurité du parc existant, souveraineté énergétique – mais réelle.