« Il est archi faux de dire que la filière prévoit de détruire 150000 hectares »
Robin Dixon Chargé de mission chez France Renouvelables relève de cette Tribune l’argument complètement mensonger qui explique que « l’industrie du photovoltaïque prévoit de détruire 150 000 ha d’espaces naturels d’ici à 25 ans », « Y-a-t-il besoin de tomber dans une telle outrance ? » Et Robin Dixon de jouer le debunker et de se lancer dans un petit calcul de coin de table. « Lorsqu’on développe une centrale solaire au sol, on considère qu’on utilise 1 à 2 ha/MW installé. Les hypothèses de développement du photovoltaïque tablent d’ici 2035 : 75 à 100 GW. Or ces objectifs correspondent à l’ensemble du photovoltaïque : toiture, ombrière, centrales au sol « classiques », agrivoltaïsme… On estime que la répartition sera d’environ 60% au sol & agriPV, et environ 40% en toiture et ombrières. Les centrales au sol s’implantent en premier lieu sur des sites dégradés, comme les anciennes carrières, bases militaires, friches industrielles, enfouissements de déchets… C’est aussi que les enjeux de biodiversité sont généralement les moins forts (une étude est réalisée au cas par cas).
De son côté, l’agrivoltaïsme, qui commence tout juste son déploiement, permet de combiner en co-usage la production d’électricité et une activité agricole, et donc de « réutiliser » des sols déjà anthropisés. Mais revenons aux calculs. 20 GW de PV étaient déjà installés fin 2023 ; suivant la dynamique actuelle, 60% de 80 GW soit 48 GW seront des centrales au sol ou agrivoltaïques, soit… entre 48 et 96000 ha, bien loin des 150000. C’est archi faux ! C’est d’ailleurs cet ordre de grandeur que prévoit RTE dans son bilan prévisionnel 2035. Dans le « pire » des cas, cela correspond à… 0,15% des surfaces agricoles et forestières.
Il y a une différence fondamentale et essentielle entre prétendre que nous voudrions « détruire » « 150000 ha » de « milieux naturels », et la réalité, à savoir que pour atteindre 100 GW de PV, il faudra 2 à 3 fois moins de surface qui seront prioritairement partagées entre des terrains dégradés/délaissés et des terres agricoles en synergie. Qui plus est, la tribune sous-entend que nous nous implanterions n’importe comment au mépris de l’environnement, dirigés uniquement par l’appât du gain, ce qui est particulièrement insultant en plus d’être malhonnête. Sur le fond, personne n’a intérêt à s’implanter dans un milieu riche en biodiversité… ça n’a pas de sens ! Les impacts seraient trop lourds et trop chers à éviter/réduire/compenser, et les garde-fous de notre réglementation environnementale sont là pour ça » s’agace le chargé de mission. Une fake news de plus !
« Le solaire, déployé de manière réfléchie, est une pièce centrale de la transition énergétique »
Passons d’ailleurs sur le terme de destruction… Les installations PV sont réversibles et n’imperméabilisent pas (0,002 ha/MW). En réalité, cela fait partie du discours anti-EnR classique visant à faire passer les porteurs de projets pour d’avides destructeurs de la nature. « La filière photovoltaïque est-elle parfaite dans l’éco-conception des projets ? Non, évidemment, aucune filière ne l’est, l’amélioration est constante, et les programmes de recherche sont nombreux, comme en témoigne l’actualisation en cours de son guide d’éco-conception. Mais il est mensonger de faire croire que les énergies renouvelables vont être un tel levier de destruction de la nature et que les entreprises du secteur cherchent à tout prix à s’implanter en milieu naturel. Retrouvons de la nuance, c’est urgent ! » poursuit Robin Dixon.
En tant que président de la commission solaire du SER, Xavier Daval, Expert en énergies renouvelables, estime pour sa part qu’« il est triste de voir des écologistes sincères devenir, malgré eux, des défenseurs de l’immobilisme énergétique. Nous avons le devoir d’avancer ensemble, vers une transition énergétique qui protège à la fois notre biodiversité et notre climat. Le solaire, déployé de manière réfléchie, est une pièce centrale de cette démarche. Nous demandons un droit de réponse auprès de Libération pour équilibrer le débat sur ces enjeux cruciaux ».
De son côté, Karim Megherbi, Project Origination Platform in Renewable Energy | Executive Director déplore ne trouver dans cette Tribune aucun expert des scénarios NZE, de l’énergie et des EnR parmi les signataires. La principale source des arguments est un rapport du CNPN à la méthodologie contestable sans aucune revue de la documentation scientifique existante et un reniement de toutes les études françaises de l’Ademe, d’Enerplan ou du SER…). « Quel impact ont les projets EnR par rapport aux autres facteurs impactant la biodiversité comme les pesticides, le changement
La principale source des arguments est un rapport du CNPN à la méthodologie contestable sans aucune revue de la documentation scientifique existante et un reniement de toutes les études françaises de l’Ademe, d’Enerplan ou du SER…). « Quel impact ont les projets EnR par rapport aux autres facteurs impactant la biodiversité comme les pesticides, le changement climatique ou l’artificialisation des sols ? » interroge Karim Megherbi.
Et Cédric Philibert consultant indépendant et analyste senior reconnu dans le domaine de l’énergie et du climat, de conclure froidement : « La liste des signataires est en effet impressionnante, savent-ils seulement qu’ils ont signé absolument n’importe quoi ? »