Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) a récemment rendu un avis concernant le déploiement du photovoltaïque au sol et ses impacts sur la biodiversité. Le présent avis par auto-saisine du CNPN a été voté le 19 juin 2024 par 27 voix pour et 2 abstentions. Un avis qui met en avant la préservation de la biodiversité !
Après des débuts timides, l’énergie solaire photovoltaïque connait un déploiement très soutenu depuis les 10 dernières années. D’abord déployée sur les toitures, cette technologie se développe de plus en plus par des installations au sol. Cette dynamique est encouragée par les appels d’offre publics, les coûts de rachat de l’énergie, les engagements programmatiques régionaux, nationaux et européens et les objectifs législatifs. Des projets aux emprises de plus en plus grandes émergent dans des habitats de prairies, de landes, de forêts, de lacs, de zones humides comme d’espaces agricoles, y compris au sein d’aires protégées. Une tendance au gigantisme et à des empiètements sur les milieux naturels, également constatée au niveau international, soulève aujourd’hui de nombreuses questions.
Il est capital de privilégier réellement les espaces artificiels dans l’installation de l’énergie photovoltaïque
Dans un contexte d’érosion rapide de la biodiversité et de nécessaire respect de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016, de la Stratégie nationale pour les aires protégées, de la troisième Stratégie Nationale pour la Biodiversité et des engagements internationaux de la France en la matière, les alertes du GIEC et de l’IPBES doivent être suivies d’effets : la lutte contre le changement climatique, et la transition énergétique en particulier, ne doit pas conduire à accélérer le déclin de la biodiversité.
Pour cela, il est capital de privilégier réellement les espaces artificiels dans l’installation de l’énergie photovoltaïque. Ce d’autant plus que les bénéfices 26 Espèces guidées par la polarisation horizontale de la lumière qui se réfléchit sur l’eau 10 sociétaux sont nettement amoindris par les installations sur milieu naturel : une fois les émissions liées à la construction de la centrale et des panneaux décomptées, c’est entre un quart et un tiers des émissions évitées qu’il faut décompter du fait du défrichement.
Or, plusieurs études suggèrent que l’objectif de 100 GW peut être atteint en mobilisant uniquement des espaces artificiels (toitures, hangars agricoles existants, parkings, routes, etc.). Le respect de la loi APER en matière d’équipement des parcs de stationnement devrait permettre d’installer au moins 20 GW supplémentaires. Alors que les toits comptent actuellement pour la moitié des 20 GW déjà installés en France, moins d’une maison individuelle sur vingt est actuellement équipée. Suite à son enquête et aux éléments présentés dans ce rapport, le Conseil National de la Protection de la Nature formule 21 recommandations pour l’intégration des enjeux de conservation de la biodiversité et d’application des textes afférents dans le déploiement de l’énergie photovoltaïque en France. Voici les deux premières.
Recommandation n°1 : mettre un terme à l’implantation de centrales photovoltaïques au sol dans les aires protégées et les espaces semi-naturels, naturels et forestiers
Le présent rapport explicite la multiplicité et l’importance des incidences des installations photovoltaïques industrielles sur de nombreuses composantes de la biodiversité et sur le fonctionnement des écosystèmes. Il apporte également des éléments sur la possibilité d’atteindre les objectifs nationaux en matière de déploiement de l’énergie photovoltaïque en équipant les espaces artificiels qui le permettent. En cohérence avec le « principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable » 28 qui implique, en premier lieu, « d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit », le CNPN considère que l’autorisation de projets de centrales photovoltaïques au sol sur des espaces naturels ou semi-naturels ne devrait pas être accordée tant que le potentiel de surfaces artificialisées n’est pas épuisé.
Le CNPN recommande par conséquent de cesser le déploiement de centrales photovoltaïques sur les espaces semi-naturels, naturels et forestiers (incluant toutes les zones humides), protégés et non protégés, en raison de leur incidence importante sur la biodiversité, de leur incohérence avec les objectifs d’adaptation et d’atténuation du changement climatique et du risque accru d’incendies. Le CNPN rappelle par ailleurs que les espaces naturels à faible capacité de résilience à la suite de l’altération des sols ou à temps de régénération très long ne sauraient être détruits, car n’étant pas compensables à l’échelle d’un siècle. Le code de l’environnement impose ainsi que si les impacts d’un projet ne peuvent pas être « compensés de façon satisfaisante, celui-ci n’est pas autorisé en l’état » (art. L. 163-1).
Pour cela, le CNPN recommande en particulier, et de manière non exhaustive :
• une interdiction réglementaire stricte et durable de construction de centrales photovoltaïques au sol dans toutes les zones de protection forte avérées ou potentielles, relevant des article 2- I et 2-II du décret n°2022-527 du 12 avril 2022 pris en application de l’article L. 110-4 du code de l’environnement et définissant la notion de protection forte et les modalités de la mise en œuvre de cette protection forte (ZPF) ;
• un cadre plus strict pour les appels à projets de la Commission de Régulation de l’Énergie, afin qu’ils se limitent aux projets n’ayant pas d’incidence sur les écosystèmes naturels ou seminaturels et sur les éco-agrosystèmes producteurs de ressources alimentaires ;
• d’inscrire dans les SRADDET et les PCAET la priorité à donner aux zones artificielles jusqu’à leur saturation, en identifiant les puissances minimales à atteindre sur ces espaces de manière cohérente avec les cadastres solaires, et la nécessité de démontrer que ces espaces sont saturés pour toute installation en espace naturel ou semi-naturel. Le savoir-faire des entreprises concernées doit être orienté vers les installations sur toitures et les ombrières : seules des contraintes plus fortes inciteront l’ensemble des acteurs du secteur à se tourner vers les milieux artificiels, qui impliquent des procédés d’installations adaptés, mais plus profitables pour le collectif et la biodiversité.
28 Article L. 110-1 du code de l’environnement qui s’impose aux intercommunalités de plus de 20 000 habitants. 12 Une fois le potentiel des surfaces artificialisées épuisé, s’il s’avère que cela ne suffit pas à atteindre les objectifs régionaux ou nationaux, alors les principes d’évitement en amont détaillés dans le chapitre 7 devront être appliqués : évitement des zones de protection forte (et des zones potentiellement éligibles comme telles), des ZNIEFF de type 1, des sites Natura 2000, des écosystèmes non compensables, des habitats boisés et des zones humides. Les recommandations 2 à 4 détaillent l’évitement spécifique aux espaces qualifiés de dégradés, aux plans d’eau et aux zones agricoles.
Une fois le potentiel des surfaces artificialisées épuisé, s’il s’avère que cela ne suffit pas à atteindre les objectifs régionaux ou nationaux, alors les principes d’évitement en amont détaillés dans le chapitre 7 devront être appliqués : évitement des zones de protection forte (et des zones potentiellement éligibles comme telles), des ZNIEFF de type 1, des sites Natura 2000, des écosystèmes non compensables, des habitats boisés et des zones humides. Les recommandations 2 à 4 détaillent l’évitement spécifique aux espaces qualifiés de dégradés, aux plans d’eau et aux zones agricoles.
Recommandation n°2 : réguler davantage l’installation de centrales photovoltaïques sur les sites qualifiés de « dégradés »
Eu égard aux constats dressés dans la présente autosaisine, la mise en place des centrales photovoltaïques sur des sites qualifiés de « dégradés » prête à grande confusion. Nombre d’entre eux, extrêmement riches en biodiversité, ont ainsi été détruits – et continuent de l’être – au prétexte de leur passé industriel ou d’une opportunité foncière. Il en va de même pour les prairies aéroportuaires et les terrains militaires, qui constituent fréquemment les derniers habitats relictuels disparus alentours : le rapport coût-bénéfice entre les gains en puissance photovoltaïque installée et l’impact sur la biodiversité est en défaveur de projets qui y sont programmés.
Le CNPN recommande que les notions de friche et de terres incultes soient plus explicites et plus restrictives dans les appels à projet de la Commission de Régulation de l’Énergie, en cohérence avec le décret n°2023-1259 du 26 décembre 2023 précisant les modalités d’application de la définition de la friche dans le code de l’urbanisme, et qu’elles excluent de ces « délaissés » les terrains non bâtis à vocation agricole ou forestière, ou ayant fait l’objet d’un réaménagement écologique ou d’une renaturation. Le degré de végétalisation d’une friche doit faire partie des alertes sur le potentiel d’enjeux de biodiversité. Le CNPN recommande de n’équiper que les surfaces artificialisées (pistes, parkings, bâtiments) au sein des terrains militaires et aérodromes désaffectés. En ce qui concerne les bermes routières et autoroutières, qui jouent souvent et paradoxalement le rôle de corridors de biodiversité, leur éventuel équipement doit tenir compte des mesures écologiques mises en place par le gestionnaire, surtout s’il s’agit de mesures règlementaires de réduction d’impact ayant permis l’autorisation de son projet.
Les carrières, décharges et mines doivent faire l’objet d’une remise en état ou d’un aménagement écologique en fin d’exploitation, ce qui est incompatible avec l’équipement en panneaux photovoltaïques. De fait, c’est souvent à la faveur de ces engagements de fin d’exploitation que les projets sont considérés comme pouvant répondre à l’objectif d’absence de perte nette de biodiversité lors de leur autorisation et sont autorisés sous cette réserve. Aux Antilles, les espaces non pollués au Chlordécone doivent être systématiquement exclus des projets de centrales photovoltaïques au sol. Toutes ces réserves doivent être intégrées aux démarches de planification locales et régionales, ainsi qu’aux appels à projet de la Commission de Régulation de l’Énergie.
Réaction de GreenYellow à l’avis de la CNPN
“Avec la loi APER, qui impose la construction d’ombrières solaires sur au moins 50 % de la surface des parkings extérieurs dépassant 1 500m² d’ici 2028 et la loi Climat et Résilience, qui rend obligatoire l’installation de panneaux solaires sur les nouveaux bâtiments commerciaux et entrepôts, il y a un potentiel exponentiel pour utiliser ce foncier. Chez GreenYellow, notre axe prioritaire est de solariser des surfaces déjà artificialisées, telles que les toitures et les parkings. Cependant, il faut également répondre à la demande d’entreprises qui souhaitent produire une énergie verte et locale mais ne disposent pas du foncier nécessaire. Dans ce type de cas, nous proposons des solutions photovoltaïques au sol sur des zones délaissées, comme les friches industrielles.” déclare Mathieu Cambet, Directeur Solaire Décentralisé chez GreenYellow France.
GreenYellow, spécialiste de la transition énergétique décentralisée, accompagne les entreprises et les collectivités avec une plateforme de décarbonation 100% financées qui se compose de projet clé-en-main et sur mesure de centrales solaire photovoltaïque. GreenYellow a récemment signé avec Carrefour le plus grand programme d’autoconsommation solaire décentralisé en Europe, portant sur la solarisation des parkings de 350 hypermarchés et supermarchés du géant de la distribution en France d’ici 2027.