Frédéric Joffre, ingénieur INSA, oeuvre en digne épigone, dans la filière solaire. Plus qu’un métier, une passion familiale… Consultant pour le bureau d’études Tecsol et acteur indépendant de la filière, il est allé passer deux semaines en Chine cet été pour s’imprégner du savoir-faire industriel local. Un témoignage qui en dit long sur le potentiel de l’Empire du milieu en matière de technologie photovoltaïque. La Chine, le pays du solaire! (2/2)
Deuxième partie : Convertisseurs de puissance et batteries
Le périple industriel s’est poursuivi avec la visite de l’usine Sungrow à Hefei qui affiche la spectaculaire capacité de production d’onduleurs de 130 GWc par an avec en sus 70 GWh de stockage (ESS : Energy Storage System ) et 45 GWh en projet. « Sungrow est réputé pour sa technologie de conversion de puissance, et intègre les cellules de batterie de partenaires pour proposer une solution complète à ses clients ».
Sungrow vient de signer un mega contrat récent de 7,8 GWh en Arabie Saoudite, le premier d’une longue série si on en croit les discours très ambitieux des équipes commerciales. Un seul atelier de l’usine est en capacité de produire 850 onduleurs strings par jour. Là aussi, l’onduleur est devenu une commodité. « Une chaine d’assemblage des onduleurs strings de 330 kWc compte 21 étapes. Cela reste très manuel, avec peu d’automatisation dans l’assemblage. » constate Frédéric Joffre.
Des batteries fabriquées à la rotative
La fin du séjour a coïncidé avec la visite de deux usines de stockage, une activité dans laquelle les industriels chinois ont une avance considérable. Et cela va se confirmer. Les deux usines concernées : CATL à la capacité de 120 GWh/an sur son campus historique de Ningde et BYD de 55 GWh/an avec sa nouvelle usine de Nanning. « Dans la salle de réunion de CATL, la citation est sans ambiguïté. « Find ways to success, not excuses to failure ». L’ambition est de mise. La sieste est obligatoire pour tous les ingénieurs et commerciaux de CATL de 12h30 à 13h30. Qu’en penseraient nos DRH ? » s’interroge Frédéric Joffre.
Les deux fabricants s’appuient sur la technologie LFP (Lithium, Fer, Phosphate) avec une anode en Cuivre et une cathode en aluminium. « C’est sûrement l’un des temps forts de mon déplacement. La production en masse avec des bobines d’anodes montées sur des rotatives est impressionnante. Ils « impriment » des batteries comme nous imprimons le journal. L’automatisation des chaines de fabrication est à son paroxysme » estime-t-il. Les batteries affichent des garanties de 10000 cycles à 70% du State of Health (SoH). La capacité d’un contenair 20 pieds est environ 6,4 MWh. Le prix d’un container de stockage, sans PCS (Système de conversion de puissance), est fixé à environ 130€/kWh. Et la compétitivité va encore s’accentuer avec l'augmentation de la densité de stockage (+10%/an) et la baisse des prix.
« CATL et BYD sont très transparents sur leur feuille de route. Ils partagent avec leurs clients, les objectifs d’augmentation de la densité énergétique des cellules et la baisse de leurs prix pour les 5 prochaines années. Cela permet de limiter le risque lors de la réponse aux appels d’offres en pouvant se projeter sur des technologies et des niveaux de prix à long terme ». Les fabricants de batteries font de la chimie et n’ont pas vocation à produire les composants de puissance et de conversion électrique. Vous avez dit sectorisation !
Hégémonie chinoise
Et la R&D n’est pas oubliée. « Sont en cours des recherches sur les batteries au sodium dont la densité énergétique (170 Ah/kg) est plus faible mais avec des cycles plus stables et une meilleure conductivité thermique. D’autres le sont sur l’électrolyte solide type « solid state » mais trop cher pour le moment, pas rentable pour les systèmes de stockage stationnaires dont la densité de stockage n’est pas un critère déterminant » conclut Frédéric Joffre.
En conclusion du livre blanc du gouvernement chinois on peut lire : « En tant que fervent défenseur de la transition énergétique mondiale, la Chine travaillera avec les autres membres de la communauté internationale pour planifier ensemble la coopération énergétique, lutter contre le changement climatique mondial, promouvoir l'harmonie entre l'humanité et la nature, et créer un monde propre et beau pour tous ». A la description de ce potentiel industriel, comment pourrait-il en être autrement, tant les avancées de l’Empire du milieu en matière d’énergie solaire, de convertisseurs de puissance et de stockage sont prégnantes ? De quoi faire trembler le reste du monde pour ce qui est de la souveraineté énergétique relatives aux énergies renouvelables, les énergies du futur…