Entretien avec le président de Tecsol, bureau d’études spécialisé dans les énergies renouvelables, fondé il y a 40 ans à Perpignan. Il préside également le Pôle de compétitivité Derbi. Recueilli par Karim Maoudj, journaliste Midi Libre / L'Indépendant
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a acté, au 1er juillet dernier, une hausse du prix du gaz de 12 %. Cela n’est-il pas excessif ?
Je rappelle que, contrairement à l’électricité, il n’y a plus de tarif réglementé du gaz en France.
Nous sommes là sur le prix du marché qui se reflète. La CRE, comme elle l’a fait pour la hausse de 12 % en juillet, donne seulement des indications. Mais il est vrai qu’en ce moment, du fait qu’on ne soit plus beaucoup alimentés par la Russie, fait que les tarifs augmentent. La France s’alimente aujourd’hui avec du gaz en provenance du Qatar, un peu d’Algérie, mais aussi du gaz de schiste des États-Unis. Il faut donc bien acheminer tout ce gaz. Nous avons dû, pour cela, construire des terminaux gaziers, notamment au Havre.
Tout cela a un coût. D’où la hausse du prix du gaz que l’on subit aujourd’hui.
A-t-on, en France, les tarifs les plus bas en matière d’énergie consommée ?
Pour le gaz, on est dans les prix du marché. Les prix sont internationaux.
En revanche, pour ce qui concerne l’électricité, nous sommes aujourd’hui plus bas que les concurrents. Cela étant, toute la question est de se demander ce que nous prépare l’avenir. Sans voir dans la boule de cristal, il y a des faits évidents.
Quand on dit qu’EDF est une société nationalisée, ce n’est pas tout à fait vrai. EDF est une société anonyme en concurrence avec d’autres sociétés, comme Engie, TotalEnergies, etc. Cependant, 100 % de son capital est détenu par l’État. Pour autant, les règles de la concurrence s’appliquent. Il serait malvenu qu’elle bénéficie d’avantages que n’auraient pas ses concurrents. Bruxelles regarde ça de près.
EDF a une dette importante accumulée, plus de 60 milliards d’euros. C’est ce qui, peut-être, explique en partie le fait qu’on n’ait pas payé, jusque-là, cher notre électricité. Ensuite, EDF doit faire face au mur d’investissements dicté par la rénovation des centrales nucléaires.
Elles ont été programmées, au départ, pour 40 ans, contre jusqu’à 80 aux États-Unis. Il est possible, moyennant rénovation, de prolonger leur durée de vie jusqu’à 50 ans, voire plus.
C’est une très bonne opération parce que le coût d’une rénovation est modeste par rapport à la construction d’une centrale neuve. Il faut donc financer ces rénovations. Et là, il y a deux solutions. Soit on emprunte, mais quand on a déjà beaucoup de dettes, c’est compliqué. L’État peut aussi apporter une garantie, mais cela fausserait la concurrence.
La bonne solution, c’est qu’EDF puisse vendre son électricité plus chère, qu’elle fasse plus de marge. Ça tombe bien, on est plus bas que la moyenne européenne. Il est donc probable un jour que les prix de l’électricité en France rejoindront la moyenne des prix européens. Parce qu’on en a besoin pour aussi financer les futures centrales, comme les EPR 2.
Mais la consommation d’électricité baisse dans le même temps.
Ça, c’est le second constat. La consommation d’électricité baisse en effet. C’est une tendance observée. Quand il y a eu la crise de l’énergie, les gens ont acquis des réflexes d’économie d’énergie pour moins consommer.
Ils continuent d’avoir ce genre de comportement. Alors que, dans les faits, la consommation devrait augmenter, notamment parce qu’on vend plus de voitures électriques.
Consomme-t-on plus de gaz que d’électricité ?
L’électricité est l’énergie qui, aujourd’hui, intéresse le plus les gens. Le gaz est en perte de vitesse. À terme, on va remplacer le gaz de pétrole, même si ça s’appelle le gaz naturel, par du biogaz, en partie avec des méthaniseurs. La troisième étape sera de transformer l’hydrogène qui sera produit à partir d’eau par électrolyse, qui sera combiné avec du CO2 pour fabriquer du méthane, une future énergie. Il y aura toujours du gaz résiduel, on ne pourra pas remplacer tout le gaz aujourd’hui par de l’électricité.
Cette dernière est aujourd’hui, en France, produite en très grande majorité par du nucléaire, plus de 70 %. Puis vous avez de l’hydraulique, ainsi que les énergies renouvelables qui montent en puissance.
ÉLECTRICITÉ
Il n’y a pas eu, le 1er août, d’augmentation des tarifs de l’électricité. Le gouvernement a, en effet, décidé d’annuler la hausse programmée.
Le contexte politique et économique actuel a influencé cette décision.
« Elle était nécessaire, soutient pourtant André Joffre. Ça représentait 10 à
12 € par foyer et par an. Il faudra bien les payer de toute manière, un jour ou l’autre. »
Il estime que les hausses « sont toujours nécessaires pour faire face aux investissements ». Il voit deux options : « Soit on décide de ne plus investir, ce qui serait grave car on doit maintenir le réseau en très bon état, soit on reporte de quelques mois, quelques années. »
Ce genre de décision est « forcément politique ».
Pour rappel : « Il y a deux hausses tous les ans. La hausse du prix de l’énergie fixée en février en général, et puis en août, qui, elle, concerne le transport de l’électricité. »
André Joffre rappelle également qu’« en gros, le prix de l’électricité se décompense en trois parts égales : le prix de l’énergie proprement dit, le prix du transport et les taxes. C’est quasiment un tiers, un tiers, un tiers. » Qu’il s’agisse du gaz ou de l’électricité, il y a beaucoup d’investissements à faire pour maintenir le réseau en état. « C’est plus de 90 milliards d’ici une dizaine d’années pour l’électricité. »
L’éolien et le solaire plus rentables
OPTIONS « Quand vous produisez de l’électricité, vous allez commencer par faire marcher les moyens les moins coûteux en coût récurrent. Vous prenez d’abord l’éolien et le solaire. Le vent, on ne paye pas, le soleil non plus. Cependant, il faut payer l’investissement. » L’option suivante, c’est « l’hydraulique ». « Il ne coûte presque rien quand le barrage est construit. » Ensuite, « on met le nucléaire, où là encore, l’investissement constitue la grande partie du prix de revient. » Enfin, en dernier, il y a « les installations à base de charbon ou de gaz qui, elles, sont moins coûteuses à construire, en revanche, le coût du combustible est plus élevé. »