Audition de M. Luc Rémont, président-directeur général d’Électricité de France (EDF) par la Commission des affaires économiques du Sénat le 08 novembre 2023
Dans ce logue intervention de plus de deux heures, le PDG d'EDF s'est en particulier exprimé sur les énergies renouvelables et l'autoconsommation solaire en particulier:
« … On peut regarder ce qui se passe aujourd'hui, notamment dans le solaire décentralisé, avec une courbe d'accélération tout à fait réelle qui permet à notre pays de rattraper, en tout cas de suivre la même courbe que des pays qui n'ont pas la chance d'avoir un parc nucléaire stable depuis longtemps, et qui ont des expositions solaires plus importantes que les nôtres.
Par exemple l'autoconsommation particulier sur l'année 2023, va doubler par rapport à l'année 2022, donc on va passer à une centaine de milliers de clients raccordés en autoconsommation de plus que ce que nous avions l'année dernière. Ce potentiel-là permet d'abord à beaucoup de clients de baisser leur facture électrique. C’est certes un investissement au moment où vous faites l'investissement d'autoconsommation mais ça baisse votre facture électrique et derrière ça contribue effectivement, même si on ne les voit pas forcément dans les chiffres de production centralisée, ça fait partie des éléments de production disponibles à l'échelle du pays.
Donc cette partie-là du solaire a une dynamique extrêmement forte aujourd'hui dans notre pays et elle rejoint la dynamique que j'ai pu observer dans mon métier d'avant, dans des pays comme l'Australie ou d'autres qui sont beaucoup plus loin et beaucoup plus avancés, ce qui vient évidemment avec des problématiques de stabilité et de gestion de l'intermittence que j'ai évoqué tout à l'heure auquel nous devrons apprendre à faire face également. »
Dépêche de l'AFP du 8 novembre 2023: « Les discussions se poursuivent entre EDF et l'Etat pour définir la nouvelle régulation des prix de l'électricité, mais un accord, crucial pour les factures à venir des consommateurs, est « tout proche », a assuré mercredi le gouvernement.
« L'accord n'est pas trouvé mais il est tout proche », a indiqué mercredi matin le ministre de l'Economie et des Finances de Bruno Le Maire lors d'un échange avec le journal L'Usine Nouvelle aux Assises de l'Industrie. « C'est une affaire de jours », selon lui.
Entendu le matin même devant la commission des affaires économiques du Sénat, Luc Rémont, le PDG d'EDF, détenue à 100% par l'Etat, a lui fait état de « discussions intenses » avec le gouvernement, en soulignant que chacun cherche « le succès des clients », particuliers comme industriels qui souhaitent une électricité abordable, et "la soutenabilité" de l'entreprise lestée d'une dette abyssale de 60 milliards d'euros.
« L'équilibre que je dois trouver, c'est le prix d'électricité le plus compétitif pour les entreprises industrielles, parmi toutes les entreprises européennes, et la soutenabilité financière pour EDF », a lui aussi assuré le ministre aux Assises de l'Industrie. « Rien ne serait pire que d'acheter la paix sociale avec le monde industriel en ayant un prix cassé de l'électricité », a-t-il dit.
« Les positions au départ, je vous le dis très sincèrement, étaient très éloignées entre EDF et cet objectif stratégique de l'État. Elles se sont beaucoup rapprochées », a-t-il reconnu.
Engagés depuis des mois dans des discussions, parfois tendues, EDF et l'Etat doivent élaborer le nouveau modèle de régulation des prix de l'électricité, à l'approche de l'extinction du mécanisme actuel prévue fin 2025. De ce cadre dépend en partie le futur prix de l'électricité payé par le consommateur final.
Or le gouvernement veut éviter une explosion des factures des particuliers et des entreprises, au moment où il compte réindustrialiser le pays. Emmanuel Macron a d'ailleurs promis en septembre une reprise du "contrôle du prix de l'électricité".
Commerçant responsable
Le gouvernement souhaite que le nouveau prix de référence de l'électricité soit proche des coûts de production nucléaire d'EDF. La Commission de régulation de l'énergie a récemment évalué ces coûts à 60 euros du MWh, une estimation bien inférieure à celle d'EDF (autour de 70 euros), d'autant que celle du régulateur ne couvre que le parc nucléaire actuel et exclut les 6 nouveaux réacteurs que l'exécutif veut construire.
Pour M. Le Maire, « on peut définir un coût complet de production, incluant les investissements futurs d'EDF, y compris dans les nouveaux réacteurs nucléaires », a dit le ministre sans vouloir confirmer le chiffre évoqué plus élevé de 70 euros.
Devant les sénateurs, le PDG de l'entreprise renationalisée à 100% a déroulé sa vision pour parvenir à des prix qui lui permettraient d'affronter le mur d'investissements qui l'attend, pas moins de 25 milliards d'euros par an. EDF mise sur deux outils: l'un consiste à nouer des contrats de long terme avec de gros industriels énergivores, ce qui permettrait à EDF de garantir ses investissements et à ses clients d'être moins exposés à la volatilité des prix.
L'autre outil expérimenté par EDF consiste à vendre sur les marchés de gros des lots d'électricité en avance à ses propres concurrents fournisseurs d'électricité alternatifs. Lancées en septembre, des enchères ont fait ressortir des prix de 77 euros le MWh pour livraison 2027 et de 83 à 85 euros le MWh pour 2028. « Ce ne sont plus du tout des prix de guerre », a résumé M. Rémont, en référence à la flambée des prix de l'électricité liée à la guerre en Ukraine, avec des pics à 1.000 euros le MWh en août 2022 sur le marché de gros.
Définissant EDF comme un « industriel commerçant responsable », M. Rémont a ajouté que ces outils seraient complétés par une forme de régulation, avec « des instruments qui permettent aux pouvoirs publics de garder le contrôle de ce marché ».
Avec ces instruments, a-t-il dit, les pouvoirs publics pourront « récupérer sur les producteurs (d'électricité) et notamment sur EDF, une capacité de financement et de redistribution qui serait mise en œuvre à partir d'un certain nombre de seuils (de prix) », toujours « en cours de discussion ». »