Arthouros Zervos, président de REN21
L’utilisation des énergies renouvelables en tant que source d’énergie fiable et abordable se développe, alors qu’une crise énergétique sans précédent provoque une inflation foudroyante et accélère la dégradation du climat. L’heure des EnR est définitivement venue !
Le réseau mondial des énergies renouvelables REN21 publie son rapport annuel Etat des Energies Renouvelables dans le Monde – Collection 2023. Cette publication comprend quatre nouveaux modules, qui examinent les tendances et les opportunités dans le monde concernant l’utilisation et le déploiement des énergies renouvelables dans le secteur du bâtiment, de l’industrie, des transports et de l’agriculture.
« Un défi se transforme en opportunité »
Dans tous les secteurs consommateurs d’énergie finale, les énergies renouvelables ont démontré leur valeur entant que source d’énergie résiliente, fiable, stable et abordable. Selon les modules sur la demande énergétique du rapport d’état global (GSR 2023) de REN21, qui ont été publiés le 30 mars dernier, les énergies renouvelables ont répondu avec succès à l’intensification des crises auxquels les monde doit actuellement faire face. Ces modules explorent la croissance de la demande en énergies renouvelables dans les quatre principaux secteurs consommateurs d’énergie – les bâtiments, l’industrie, les transports et l’agriculture. Il s’agit des premiers d’une série de huit modules au total dans la collection GSR 2023. Les prochains modules porteront sur les énergies renouvelables dans l’approvisionnement énergétique, dans les systèmes et infrastructures et pour la création de valeurs économiques et sociales, se résumant dans le module sur la situation global des énergies renouvelable dans le monde. La publication de tous ces modules est prévue avant la fin du mois de juin 2023. Le rapport indique que la hausse des prix de l’énergie, ainsi que les divers engagements visant à lutter contre la crise climatique, ont eu un impact direct sur la demande croissante, bien que variable, d’énergie renouvelable pour les bâtiments, les activités industrielles, les transports et l’agriculture.
L’inflation des prix, provoquée par la crise énergétique, a eu un impact considérable sur tous les consommateurs finaux. Ceci a déclenché un ensemble de mesures politiques clés conçues pour lutter contre les perturbations du marché et pour accélérer la croissance de la production et de l’utilisation d’énergies renouvelables le développement d’industries locales. « Il s’agit d’un cas typique, un défi se transforme en opportunité » déclare Rana Adib, directrice exécutive de REN21. La crise multiple actuelle a permis que les décideurs politiques ainsi que les dirigeants dans les principaux secteurs consommateurs d’énergie prennent conscience des avantages que représentent les énergies renouvelables en tant que source énergétique locale, pouvant assurer sécurité d’approvisionnement et stabilité des coûts. « C’est ce que nous disons depuis des décennies ; il est donc regrettable qu’il ait fallu une crise pour que le monde se tourne enfin vers les énergies renouvelables pour approvisionner les industries, les bâtiments, les transports et l’agriculture – une crise qui, dans de nombreux endroits, a plongé des familles dans la pauvreté, a forcé des usines à réduire leur production et a ralenti la croissance économique. »
Les avantages économiques des panneaux solaires en toiture sont devenus plus visibles
En 2022, plusieurs paquets de mesures politiques clés ont stimulé la demande en énergies renouvelables dans les secteurs de consommation finale en énergie : Aux Etats-Unis, l’annonce de la loi sur la réduction de l’inflation à hauteur de 500 milliards de dollars, qui prévoit de nouvelles dépenses, des crédits d’impôt et des incitations pour les secteurs demandeurs d’énergie ; le plan REPowerEU de la Commission Européenne ; et le plan intégral de l’Inde en matière d’hydrogène renouvelable, qui cible directement l’industrie lourde et les transports. Les différents secteurs consommateurs d’énergie ont réagi différemment aux crises mondiales et aux politiques annoncées. Dans le secteur du bâtiment, en réponse aux prix élevés de l’énergie, les gens ont cherché un approvisionnement énergétique fiable et indépendant des énergies fossiles.
Ils sont passé de chaudières à gaz aux pompes à chaleur électriques, faisant de 2022 une année record pour les installations de pompes à chaleur, avec une croissance annuelle de 10 %. « Cette croissance a été particulièrement marquée en Europe, où les marchés ont progressé de 38 %, les ménages recherchant de plus en plus des alternatives plus efficaces et plus fiables au chauffage par combustibles fossiles », a déclaré Thomas Nowak, Secrétaire Général de l’Association Européenne des Pompes à Chaleur (European Heat Pump Association). Au vu de la hausse des prix des combustibles fossiles, les avantages économiques des panneaux solaires en toiture sont également devenus plus visibles pour les consommateurs finaux. Les vagues de chaleur plus fréquentes qui ont balayé l’Europe, l’Inde et la Chine en 2022, ont par ailleurs attiré l’attention sur le rôle croissant de la climatisation qui augmente la demande d’électricité.
Flambée des PPA
Les industries à forte consommation d’énergie ont été les plus durement touchées par la poly-crise, la hausse des coûts obligeant certains fabricants à réduire leur production ou à se délocaliser à la recherche d’une énergie plus abordable et plus sûre. Les industries ont également réagi directement en achetant de l’électricité à des fournisseurs d’énergie renouvelable par l’intermédiaire d’accords d’achat d’électricité (AAE) ou Power Purchase Agreement (PPA), qui permettent aux utilisateurs de fixer des tarifs d’électricité fixes à long terme et de se protéger contre les coûts élevés. En Europe, les PPA ont augmenté de 21 % en 2022, dépassant de six fois la croissance de capacités d’électricité renouvelable installées par les services publics, ce qui constitue un record.
A la lumière de la crise énergétique les parcs industriels approvisionnés avec de l’énergies renouvelable sont également devenus plus attrayants. « S’il y a un résultat positif de la crise énergétique pour le secteur industriel, c’est bien le fait que les dirigeants du secteur ont pu discerner concrètement les avantages des énergies renouvelables pour réduire les coûts de production, renforcer la résilience et maximiser les profits », a déclaré Tareq Emtairah, directeur de l’énergie à l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI). Dans le secteur des transports, les PPA ont été une mesure importante pour stabiliser les coûts et protéger les utilisateurs des facteurs de coûts externes et des crises croissantes.
Boom de la mobilité électrique
Dans les transports routiers et ferroviaires, l’électrification est une tendance croissante et une opportunité d’accélérer l’utilisation des énergies renouvelables par les consommateurs d’énergie. Les véhicules électriques – y compris les deux et trois roues électriques ainsi que les bus – et les infrastructures de recharge ont connu une nouvelle année record, avec une croissance annuelle des investissements de 54 %, en particulier en Asie. L’Inde a doublé ses investissements en matière de véhicules électriques en 2022. Bien qu’il s’agisse du secteur dont la consommation d’énergie croît le plus rapidement, le secteur des transports est celui qui utilise le moins les énergies renouvelables, avec une part modeste de 4 %.
Cela indique que le secteur aura besoin de plus qu’une simple électrification continue du secteur pour devenir plus durable et efficace et de passer aux énergies renouvelables à l’échelle du secteur. « L’électrification des voitures ne réduira pas les embouteillages, n’améliorera pas la sécurité routière et ne rendra pas la mobilité plus accessible. Nous avons besoin de transports publics zéro émission et d’infrastructures dédiées, y compris le rail, de réduire le nombre de véhicules et d’augmenter les déplacements à pied et à vélo », a déclaré Mohamed Mezghani, Secrétaire Général de l’Union Internationale des Transports Publics (UITP).
EnR et agriculture : gagnant-gagnant
En plus du développement de l’indépendance énergétique et de l’utilisation de la géothermie et des bioénergies, l’électrification a également été une tendance principale dans le secteur agricole. Le secteur a également connu une montée des énergies renouvelables décentralisées, en particulier en Afrique, en Asie et dans les Caraïbes, car les agriculteurs ont priorisé l’accès à l’énergie, la réduction des coûts de combustibles ains que l’efficacité énergétique. Les utilisateurs finaux dans le secteur agricole ont adopté de nouvelles solutions technologiques et l’utilisation des énergies renouvelables dans la production alimentaire et pour la réfrigération.
« Les énergies renouvelables dans l’agriculture offrent l’option la moins coûteuse pour les agriculteurs, en particulier dans les zones rurales où l’utilisation productive de l’énergie dans la chaîne de valeur agricole entraîne un cycle de développement en augmentant les revenus des agriculteurs, en améliorant la stabilité financière du fournisseur d’électricité et en renforçant la sécurité alimentaire du pays. C’est vraiment une situation gagnant-gagnant-gagnant pour tout le monde”, a déclaré Mohammed Jibril, de l’Agence d’électrification rurale du Nigeria.
Les subventions accordées aux combustibles fossiles ne permettent pas aux énergies renouvelables de rivaliser sur un pied d’égalité
L’élaboration des politiques s’est avérée être un moteur important pour augmenter l’adoption des énergies renouvelables par les secteurs consommateurs d’énergie. Toutefois, les décideurs politiques continuent de subventionner les énergies fossiles et de rechercher de nouveaux investissements dans des projets d’extraction de combustibles fossiles, ce qui maintient les obstacles et empêche l’adoption croissante des énergies renouvelables. « Ce rapport devrait servir de signal d’alarme pour tous les décideurs politiques, afin de permettre que les énergies renouvelables soient établies comme réponses immédiates aux multiples crises actuelles, permettant aux consommateurs d’énergie de faire face, notamment en réduisant les charges financières et le poids de l’inflation massive.
Des interventions appuyant les énergies renouvelables aideront les communautés à construire des infrastructures fiables et résistantes, au lieu de continuer à dépendre de systèmes énergétiques nocifs et obsolètes », a déclaré Arthouros Zervos, président de REN21. « En continuant à subventionner les combustibles fossiles, les décideurs politiques montrent qu’ils n’ont pas l’intention de s’attaquer sérieusement aux multiples crises économiques, sanitaires et autres. Ils font preuve d’un manque de pragmatisme par rapport à la réduction des coûts de l’énergie élevés et des conséquences qui en découlent sur tout ce que nous consommons. Les subventions accordées aux combustibles fossiles ne permettent pas aux énergies renouvelables de rivaliser sur un pied d’égalité, et elles concentrent malheureusement les profits et les avantages entre les mains de quelques privilégiés, au lieu de favoriser une plus grande équité pour tous”, a conclu Arthouros Zervos.