S’il est un domaine de la filière photovoltaïque dans lequel la France excelle et se positionne en leader européen, c’est bien le recyclage. Portée par Soren, éco-organisme à but non lucratif agréé par les pouvoirs publics pour la collecte et le traitement des panneaux photovoltaïques usagés, l’activité recyclage vient de se doter d’un site novateur et unique en Europe à Saint-Loubès, à deux pas de Bordeaux (33). L’entreprise Envie2E Aquitaine a ainsi investi 2 millions d’€ dans une machine japonaise de délamination par lame chaude pour récupérer le verre plat et valoriser les composants du backsheet. Unique au monde !
La question est récurrente, inévitable, implacable, argument massue des anti solaires. « Et vos panneaux, ils sont recyclables ?». La réponse était déjà sans ambiguïté, elle le demeure. Mieux même, à la recyclabilité à plus de 95% s’ajoute désormais la valorisation du verre et des composants intégrés dans un module solaire (aluminium, silicium, argent, cuivre etc.). De quoi rabattre le caquet aux contempteurs d’un solaire stigmatisé comme polluant en fin de vie…
5% des panneaux remis sur le marché
Depuis quelques semaines, les entrepôts remarquablement propres et soignés de l’entreprise Envie2E Aquitaine à Saint-Loubès en Gironde accueillent deux lignes à vocation industrielle de retraitement des panneaux photovoltaïques usagés, abimés ou simplement légèrement dégradés. La localisation en Nouvelle-Aquitaine répond à une logique de circuit-court, la grande région du sud-ouest étant la première en termes de puissance photovoltaïque installés (25% du parc français), véritable réservoir en devenir de modules à recycler. A ce jour, les modules sont issus de centrales vieillissantes et mal entretenues, ou de projet de repowering pour des centrales à la production fortement dégradée. La grêle de l’été 2022 a également considérablement enrichi le contingent de produits à recycler.
Des panneaux de seconde vie
Lorsque les panneaux conditionnés en palettes débarquent sur le site de Saint-Loubès, ils sont dans un premier temps minutieusement auscultés. Les plus abimés sont d’emblée mis de côté. Tous les autres vont emprunter la ligne de réemploi et de réutilisation. Une première en Europe ! Chaque panneau sera alors testé pour vérifier son état de marche. Les panneaux sont ainsi passés à la caméra thermique et aux infrarouges pour dénicher de possibles hots spots et sont ensuite flashés pour connaître leur puissance résiduelle dégradée après des années de production. Dans environ 5% des cas, l’opportunité d’une remise en vente est possible. « Nous travaillons à la mise en marché de ces modules d’occasion via une marque propre. Nous réfléchissons à une garantie possible. Leur prix ? Nous pensons qu’une décote de 50% par rapport au neuf serait pertinente » précise Eric Julien, directeur adjoint chez Envie2E. Aujourd’hui, pour ces panneaux de seconde vie, la demande est là, manque juste l’offre. Parmi les débouchés possibles de ces panneaux, d’aucuns imaginent la couverture d’abribus en milieu rural pour apporter la lumière et l’électricité pour la recharge des portables. Les véhicules de loisirs comme les camping-cars, les caravanes et mobil-homes peuvent être des cibles intéressantes. Ce marché saura trouver sa place…
La plaque de verre ressort intacte
Mais revenons à nos panneaux non réemployables et recalés qui forment tout de même près de 95% des volumes à retraiter. Ils partent dans deux autres circuits. Les modules cassés et fortement détériorés rejoindront la société Galloo, partenaire d’Envie, installée dans le Nord, pour être traités via un procédé de broyage par voie sèche. Les autres panneaux qui ont conservé une forme d’intégrité sont désormais recyclés par Envie. Après avoir perdu leur boîte de jonction et leur cadre aluminium - le prix de l’aluminium a augmenté de 70% en 2022 -, ils passent par la délamineuse. Une première lame décolle le backsheet sur quelques millimètres. Les autres lames chauffées permettront de séparer les différentes couches que forme un module solaire et de faire ressortir intacte la plaque de verre qui protège l’ensemble. « Nous sommes en contact avec des verriers qui disposent de procédés pour retirer l’EVA collé sur le verre. Cela ne devrait pas poser de problème pour entrer dans un processus de recyclage » poursuit Eric Julien. « Pour Soren, il s’agit là d’une étape importante qui est franchie pour toute la filière photovoltaïque. En tant que leader européen dans l qualité de traitement des panneaux en fin de vie, nous nous devons d’être toujours exemplaire et précurseur. Nous sommes fiers de pouvoir nous appuyer sur des partenaires et acteurs de l’économie sociale et solidaire tel que le réseau Envie » précise Nicoles Defrenne, directeur général de SoreN.
25 emplois créés
Envie a donc remporté l’appel d’offres lancé par l’éco-organisme Soren pour recycler les panneaux. Cette unité supplante désormais le site de broyage de Rousset, frappé d’obsolescence technologique et fermé l’an dernier. En termes de capacité, près de 3 000 tonnes transiteront chaque année par l’usine de Saint-Loubès et vont entrer dans ce circuit totalement inédit. A terme, une deuxième ligne devrait être installée sur le site pour atteindre les 6 000 tonnes annuelles. Une capacité qui va devenir nécessaire au vu des volumes à venir. En France, 20 000 tonnes de déchets photovoltaïques ont d’ores et déjà été collecté. En fait, la montée en volume des installations photovoltaïques est datée en France de l’après 2006, année de la mise en place d’un tarif d’achat extrêmement attractif dans le cadre d’une politique du raccordé réseau ambitieuse. Avant 2006, l’essentiel du parc photovoltaïque relevait des installations en site isolé. Aujourd’hui en France, le parc installé de 14 GW correspond peu ou prou à 1,245 millions de tonnes installées. Autant dire qu’avec le temps, la matière première de l’unité de recyclage de Saint-Loubès, à savoir les panneaux solaires, ne manquera pas. « En innovant avec l’ouverture de cette filière de traitement et de réemploi du photovoltaïque, nous sommes alignés avec notre credo initial qui est de prolonger la durée de vie de tout appareil peu énergivore. Nous permettons la création d’un marché précurseur et pour lequel de nombreux clients, particuliers comme entreprises, acteurs privés comme publics, sont d’ores et déjà très demandeurs. Et quelle formidable opportunité de créations d’emplois pour les personnes en insertion. L’usine va en effet employer 25 nouveaux salariés, essentiellement en des femmes en précarité » souligne Frédéric Seguin, directeur d’Envie2E Aquitaine.
ROSI le recyclage des modules solaires une question d’argent
Une question se pose toutefois. Que devient la couche de silicium et de connectique une fois délaminée ? La réponse se trouve en Isère à Lamure, sur un plateau montagneux à 1 000 mètres d’altitude et à quarante minutes de Grenoble. Cette plaque collée au backsheet sera prochainement dirigée vers l’entreprise ROSI, acronyme de Return Of Silicon, dans le futur site industriel de 2500 m² classé ICPE (Installations classées pour la protection de l'environnement) qui sera opérationnel dans quelques semaines. Un projet à 10 millions d’euros soutenu par l’Europe et le plan de relance français au rayon sécurisation des métaux critiques dans l’attente de futures levées de fonds dans les prochaines semaines.
ROSI participera activement de la valorisation dans ce process de recyclage. « Nous utilisons des fours à pyrolyse et des technologies de chimie douce, de chimie des silanes qui permettent de séparer les différents matériaux présents dans les panneauxen fin de vie. Elles nous permettent de récupérer le silicium ultra pur des cellules. Cela permet également de récupérer l’argent des fils servant à collecter le courant produit par chaque cellule » explique Guy Chichignoud, CTO de ROSI. Et le traitement en vaut la chandelle. L’argent ne représente que 0,08% de la masse du panneau mais il pèse plus de 20% de la valeur des produits recyclés. « Avec les anciens panneaux, on pourrait peut-être monter à près de 40% de la valeur » estime Antoine Chalaux, directeur commercial de ROSI. Le procédé est aussi particulièrement en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Pour un kg de silicium recyclé, il génère trois kg de CO2 là où un kg de silicium métallurgique en génère douze. Pour un produit, qui plus est, mille fois plus pur ! Reste à espérer que ce silicium issu du recyclage sera très bientôt ré exploité dans une usine française. ROSI regarde ainsi de près le projet CARBON. Avec Envie, ROSI, CARBON, comme un alignement des planètes pour des modules solaires français vertueux issu de l’économie circulaire.
Soren en quelques chiffres
337 Adhérents
232 Points d’apport volontaires
+ 6M d’€ de chiffre d’affaires
+ de 6 sites de traitement partenaires
+ de 20 000 tonnes de panneaux photovoltaïques usagés collectés entre 2015 et mai 2022