En réponse à la concertation publique volontaire initiée par le Ministère de l’environnement pour réformer la Stratégie Energie et Climat, l’Académie des technologies a déposé un « Cahier d’acteur » qui souligne quelques principes incontournables.
1 - L’urgence est là. Le programme de la Commission européenne Fit for 55 va fortement rehausser les objectifs 2030 de réduction de gaz à effet de serre. Les prochaines élections sont une opportunité unique pour débattre de la transition énergétique. Dès le 2ème semestre 2022, il faudra faire place à l’action en mettant largement et immédiatement en œuvre des solutions permettant de décarboner rapidement l’économie.
2 - La sobriété énergétique est nécessaire, mais les petits gestes du quotidien ne suffiront pas à atteindre les objectifs ; toutes les technologies sont requises pour maîtriser les émissions de CO2 : isolation des bâtiments ; électrification des mobilités ; économies dans l’industrie. Mais la sortie des carburants fossiles devra s’accompagner d’une électrification du système énergétique : énergie solaire et éolienne, et également énergie nucléaire. La décarbonation de l’industrie ne sera complète que si des volumes importants de CO2 sont captés et stockés.
3 - L’effort à accomplir est considérable ; les citoyens doivent en être bien informés. Seule la croissance de l’économie permettra de le financer. Tous les leviers de politique publique doivent être mobilisés en fonction des domaines concernés (réglementations, incitations et subventions, taxes et marché d’échange du CO2). Le prix du CO2 (explicite sur le marché d’échange, ou implicite à travers les réglementations et subventions) doit assurer la cohérence. La « valeur de l’action climat » définie par France Stratégie doit être révisée : une augmentation importante est nécessaire à court terme pour lancer la transition.
4 - L’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et particulièrement de CO2 ; pas de réduire les consommations d’énergie primaire si elle est décarbonée (électricité). Il est très couteux et inutile de transformer tous les logements anciens en bouteilles thermos BBC ; l’optimum est généralement une isolation plus limitée associée à un équipement de pompes à chaleur.
5 - La France s’est engagée à réduire ses émissions 2030 de 40% par rapport à 1990 ; en 2019, elle n’avait accompli que la moitié du chemin (- 20% en trente ans). Fit-for-55 demande de porter l’objectif européen 2030 de – 40% à – 55% ; une accélération considérable serait nécessaire. La France qui a déjà largement décarboné son Mix électrique ne peut atteindre dès 2030 un tel objectif (-55%) sauf à fortement rationner la consommation énergétique des ménages (logement et transports) et à importer les productions industrielles dont la décarbonation est difficile et longue à atteindre (ciment et acier). Il doit être demandé plus aux pays moins vertueux et dont les émissions par tête sont sensiblement supérieures aux nôtres.
6 - La révolution énergétique est une opportunité pour améliorer l’autonomie énergétique de l’Europe. Celle-ci importe 58% de son énergie primaire, et sa production intérieure a baissé de 18% en dix ans : la dépendance européenne s’accroît rapidement. La politique allemande fondée sur l’importation de gaz russe qui serait progressivement remplacé par des importations d’énergie renouvelables de pays qui n’en produisent pas (Golfe persique, Afrique du Nord, Amérique du Sud) n’est pas une politique soutenable.
7 - La gouvernance de ces politiques doit s’articuler à trois niveaux :
- L’Europe doit fixer des objectifs d’émission de CO2 et d’autonomie énergétique, sans définir les moyens
- L’Etat français doit redevenir planificateur (moyens de production, réseaux d’électricité, de gaz, etc. , prix du CO2, taxes et subventions)
- Le dynamisme des territoires doit venir au soutien d’une politique industrielle nationale
A ces conditions, la transition énergétique française permettra de relancer l’industrie française et créer des emplois tout en assurant sa part de la décarbonation mondiale.