Bertrand Piccard était hier l’invité de Sonia Mabrouk sur Europe 1, à l’occasion de la publication de son dernier livre. L’occasion pour l’auteur du premier tour du monde en avion solaire (2015-2016) de réaffirmer quelques fortes convictions dans un débat énergétique français où les fakes news deviennent la norme.
Sonia Mabrouk : Votre livre sort aujourd'hui chez Stock. Son titre « REALISTE Soyons logiques autant qu'écologiques ». Mais tout d'abord la facture énergétique s'envole et en France, Bertrand Piccard, c'est d'autant plus paradoxal que nous disposons d'une énergie peu coûteuse et décarbonée, le nucléaire. Comprenez-vous, alors que le nucléaire soit appréhendé comme l'avenir en France ?
Bertrand Piccard : Vous savez ça fait très longtemps que tous les spécialistes disent que les énergies fossiles ne peuvent que voir leurs prix monter, parce que ce sont des quantités limitées et que les énergies renouvelables ne peuvent voir que leurs prix baisser parce que ce sont des sources illimitées. Et bien aujourd'hui on voit qu'on est exactement dans cette situation-là. Alors le nucléaire, c'est vrai que les centrales actuelles produisent de l'énergie décarbonée, mais elles n’en produisent pas assez vu qu'une grande partie de notre société, est toujours au pétrole n'est pas encore à l'électrique. Maintenant c'est vrai que ce n’est peut-être pas très malin de fermer des centrales nucléaires aujourd'hui, mais si on veut en construire des nouvelles ce n’est pas très malin non plus parce qu'elles seront prêtes beaucoup trop tard.
Sonia Mabrouk : C’est-à-dire, par exemple et les petites centrales, les mini centrales nucléaires dont parle le Président de la République Française qui seront, qui vont être lancées désormais, c'était trop tard pour vous, l'échéance est trop tardive ?
Bertrand Piccard : tous les rapports du GIEC montrent qu'on a dix ans pour décarboner la moitié de notre société, sinon on n'y arrivera pas. Ces centrales arriveront bien après, mais les dix ans on voit bien à quel point c'est compliqué de lancer une nouvelle technologie. Alors en utilisant les technologies qui existent. Il y en a deux, principalement ce sont les énergies renouvelables. Le solaire et le vent sont, aujourd'hui, beaucoup moins chers pour faire de l'électricité, que le nucléaire, le pétrole, le gaz et le charbon. Et puis l'autre chose c’est l'efficience énergétique c’est-à-dire que les prix montent parce qu'on consomme trop, aujourd'hui on gaspille 75 % de l'énergie qui est produite. Quand je dis que la gaspillent, ce n'est pas qu'on l’utilise de manière excessive, c'est qu’elle est perdue par les systèmes de chauffage, des systèmes d'éclairage, des systèmes industriels, des maisons mal isolées. Elle est simplement perdue par inefficacité, donc c'est là-dessus qu'il faut travailler parce que, si vous voulez baisser la facture énergétique des gens les plus démunis, eh bien il faut leur permettre d'en gaspiller moins, c'est ça l'efficacité énergétique.
Sonia Mabrouk : Alors c’est intéressant. Vous avez développé un argument, vous avez dit, Bertrand Piccard, que l'éolien et le solaire sont moins chers que le nucléaire et vous dites d'ailleurs, je vous ai souvent entendu dire depuis des années, que sur la moitié du territoire français cette éolienne, le solaire sont moins chers, mais est-ce que vous reconnaissez que les éoliennes ne produisent l'électricité qu’environ 25% du temps, ce qui oblige forcément à des investissements supplémentaires parce qu'il y a des capacités de substitution, donc des investissements en plus ?
Bertrand Piccard : Alors si vous les mettez offshore, donc en mer, la où elles ne gênent personnes c'est beaucoup plus que 25% du temps. Le solaire aussi et puis il faut évidemment la stocker, mais vous stockez avec des barrages de pompage-turbinage, avec du stockage de chaleur ou de froid dans le sol, bientôt avec de l’hydrogène, mais déjà aujourd'hui avec les barrages pompage-turbinage, on a des moyens qui sont simples sur le plan technologique de stocker d'énergie. Donc vraiment moi ce qui me ce qui me heurte quand je vois tous ces débats, c'est que tout le monde parle des problèmes et on ne parle pas assez des solutions et les solutions existent c'est pour ça que j'ai appelé mon livre REALISTE, c'est que souvent, c'est juste du bon sens, ce n’est pas qu'il faut développer des nouvelles technologies incroyables hightech qui n’existe pas encore. Avec ma fondation on en a identifié 1300 qui existent aujourd'hui qui sont financièrement rentables, qui protègent l'environnement et qui permettent de lutter contre le changement climatique.