Alors que le Gouvernement a présenté le plan #FranceRelance et affiche la croissance verte comme un axe majeur de la relance, les moyens de l’Etat semblent maintenant mobilisés pour s’attaquer, rétroactivement, aux contrats d’achats photovoltaïques conclus sur la base des tarifs en vigueur avant le moratoire de 2011. Ces tarifs avaient été établis par l’Etat en fonction des coûts réels du photovoltaïque. Ils reflétaient donc l’ampleur des investissements et le niveau de risque portés par les pionniers qui ont permis à la France de se doter d’une filière solaire.
La remise en cause rétroactive de ces contrats aurait à court terme des conséquences économiques catastrophiques pour les acteurs indépendants qui ont financé la croissance de leurs entreprises grâce à leurs premiers projets solaires : perte de chiffre d’affaires des centrales, incapacité à honorer leurs engagements vis-à-vis des banques, des sociétés d’exploitation, des sociétés de maintenance, des assureurs…, mise en faillite des sociétés de projets, et in fine pertes colossales au bilan des producteurs dont nombre pourraient mettre la clé sous la porte à l’heure où la France cherche à faire émerger les ETI de la transition énergétique de demain.
Ces risques sont loin d’être virtuels : les marchés italiens et espagnols sont encore marqués à vif par les rétroactivités intervenues au début des années 2010, la confiance des investisseurs y a été sapée pour des années en dépit des revers juridiques subis par les Etats espagnols et italiens quelques années plus tard. Le coût de la dette bancaire reste encore très élevé en Italie et en Espagne pour financer un projet renouvelable.
Au contraire, en France, la stabilité du cadre et la qualité de la « signature » a permis jusqu’à présent d’attirer des capitaux en abondance pour financer la transition énergétique, conduisant à des coûts de production de l’énergie solaire photovoltaïque de plus en plus compétitifs, permettant à la filière d’être l’un des rares secteurs à recruter massivement en cette période de crise.
En franchissant la ligne rouge, qui consiste à ne plus respecter des engagements publics contractuels qui ont servi de base au financement de plusieurs milliards d’euros de projets solaires construits et aujourd’hui en fonctionnement, la France menacerait l’existence même d’une filière solaire et fermerait la porte à tous les projets d’implantation industrielle sur son territoire, se privant par la même occasion d’investissements massifs dans les territoires. D’ores et déjà l’on peut s’interroger sur l’avenir des projets d’implantation des giga factories qui sont annoncés pour les prochains mois. Quelle cohérence avec le plan de relance qui vise à la réindustrialisation de la France dans les filières stratégiques pour la transition écologique ?
Mais il y a plus. En remettant en cause sa parole, l’Etat met en risque l’ensemble du financement des énergies renouvelables et de la transition énergétique. En effet, un tel reniement génèrerait une défiance massive et durable à l’égard des engagements de l’Etat. Quel crédit pour les milliers de contrats d’obligation d’achat signés chaque année dans toutes les filières renouvelables dans le cadre d’une transition énergétique pourtant indispensable à l’atteinte de nos objectifs climatiques et voulue par tous les citoyens ?
Au moment où la France est sous le choc économique de la Covid-19, alors que les filières des énergies renouvelables sont parmi les rares secteurs en croissance dans notre pays, nous ne pouvons nous permettre de tourner le dos à la trajectoire d’avenir qu’est la transition énergétique.