La commission des affaires économiques du Sénat a rendu public mercredi 24 juin son plan de relance : « 170 mesures pour remettre l’économie française sur les rails ». Issu d’un travail de plusieurs mois avec plusieurs centaines d’auditions, des retours du terrain de sénateurs issus de tous les départements et de toutes les sensibilités politiques, ce plan se veut une « boîte à outils » concrète qui vise, au‑delà de la préservation de l’activité, à renouer avec une croissance plus résiliente, plus compétitive et plus sobre en carbone. C’est par une politique d’investissement résolu à destination des entreprises et des ménages qu’il nous faut relancer notre économie en accélérant sa décarbonation. Aussi la cellule « Énergie » a-t-elle formulé des préconisations pour faire de la « neutralité carbone » l’aiguillon du plan de relance.
Prioriser la décarbonation de l’économie
Pour ce faire, un préalable est indispensable : l’application pleine et entière de la loi « Énergie-Climat », largement insuffisante six mois après sa publication. En effet, seuls 21 % des arrêtés et décrets ont été publiés, 7 % des ordonnances ont été prises - un quart accusant déjà un retard -, et aucun des six rapports n’a été formellement remis au Parlement. C’est trop peu et trop lent. Plus encore, la décarbonation de notre économie suppose, pour réussir, deux éléments de méthode, simples mais nécessaires : la stabilité normative et un accompagnement socio-économique, qui sont les gages de son acceptabilité sociale. Des mécanismes de compensation budgétaires, fiscaux ou douaniers doivent prévenir tout risque de perte de pouvoir d’achat pour les ménages et de distorsion de concurrence pour les entreprises.
Non sans avoir suggéré que la politique d’investissement devait aller vers l’énergie nucléaire, la commission reconnaît que les investissement doivent également favoriser les énergies renouvelables, en sécurisant leur financement, en simplifiant leur déploiement et en relocalisant leur chaîne de valeur. Il faut offrir aux projets existants des financements sécurisés (maintien du compte d’affectation spéciale « transition énergétique » et relèvement du Fonds chaleur renouvelable) et des souplesses administratives (maintien des appels d’offres en cours, aménagement des appels d’offres prévus, prorogation des autorisations délivrées, ajustement des délais de raccordement).
Mécanisme d’ajustement carbone
À terme, il est impératif d’appliquer le critère du « bilan carbone » à l’ensemble des dispositifs de soutien aux EnR, afin de protéger nos industriels français et européens du dumping environnemental. À cette fin, notre appareil productif, et singulièrement le secteur industriel, doit être accompagné pour intégrer sans surcoût un haut niveau de performance énergétique, le cas échéant en le protégeant de la course au moins-disant environnemental que poursuivent certains de nos concurrents extra-européens.
Dans le cadre du Plan de relance européen, présenté le 27 mai dernier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a justement réitéré la proposition de « mécanisme d’ajustement carbone » aux frontières de l’Union européenne. Le plan prévoit ainsi que « si les différences en matière de niveaux d’ambition climatique dans le monde devaient persister, la Commission proposera en 2021 un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières afin de réduire le risque de fuite de carbone ». Il est précisé que ce mécanisme devra être « en totale compatibilité avec les règles de l’OMC » et pourra constituer l’une des « nouvelles ressources propres » souhaitée par la Commission.
L’enjeu serait de venir frapper, selon des modalités encore à déterminer, les émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par les produits importés des États extra-européens au niveau de celles issues des produits européens, qui sont quant à eux soumis au système d’échange européen de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE). Ce faisant, un tel mécanisme permettrait de rétablir les conditions d’une concurrence plus équitable avec les pays les moins avancés sur la voie de la « neutralité carbone » ; il viserait notamment à éviter les « fuites de carbone », c’est-à-dire les délocalisations d’activités vers des pays ayant de faibles standards en la matière. C’est pourquoi les cellules « Énergie » et « Industrie » convergent sur la nécessité d’instituer rapidement un tel mécanisme vertueux pour le climat et protecteur de l’activité et de l’emploi ; les professionnels doivent être associés aux travaux préalables, afin d’en garantir l’application dans des conditions économiques optimales.