Un souffle s’est éteint avec la disparition de Benjamin Dessus. Lorsqu’un ami disparaît, se pose la question de savoir quel message faire passer à ceux qui ne l’ont pas connu.
Benjamin fait partie de cette génération de professionnel-les qui à EDF, au CEA (Commissariat à l’énergie atomique), dans les organismes de recherche comme le CNRS et le syndicat CFDT se sont attachés à aborder les sujets énergétiques sous un angle non monopolistique. Avec la création de l’AFME (agence française de la maîtrise de l’énergie), tout ce petit monde s’est mis à l’ouvrage dans l’objectif de développer les sources d’énergie alternatives au tout nucléaire et à privilégier la maîtrise de l’énergie avec, en priorité, son économie.
Ingénieur et docteur en économie de l’énergie, Benjamin Dessus a tout d’abord travaillé aux laboratoires études et recherches d’EDF avant de rejoindre la direction des services techniques de l’AFME. A la fin des années 80 il rejoint le CNRS où il dirige plusieurs programmes interdisciplinaires consacrés à l’énergie, aux matières premières, à l’environnement et à l’écodéveloppement.
En 2000, missionné par le Premier Ministre, il bâtit avec Jean-Michel Charpin, alors commissaire au Plan et René Pellat, Haut-Commissaire à l’énergie nucléaire, des scénarios différenciés par le niveau de la demande électrique et les modes de production susceptibles de la couvrir en 2050. Avec ses complices scientifiques, Bernard Laponche, Martine Barrère, François Pharabod, Arthur Riedacker et Philippe Roqueplo, il créé en 1992 et préside l’association Global Chance dont l’objectif est de «promouvoir les chances d’un développement mondial équilibré»
L’une de ses dernières contributions publiques, voilà quelques semaines, est une tribune parue dans le mensuel Alternatives Economiques sous le titre « économie des déchets nucléaires : briser les tabous ». Pour redire, une fois encore, que l’économie de cette filière doit prendre en compte non seulement la construction, le fonctionnement et la maintenance mais encore la fin de vie des installations et, sur un temps extrêmement long les déchets radioactifs.
Se battre contre une certaine vision de la production d’énergie, source de risques et très centralisée, et en parallèle, se battre pour un véritable système énergétique qui repose sur une véritable indépendance énergétique qui préserve la vie et l’environnement. Infatigable militant il a écrit nombre d’articles, de tribunes, est intervenu lors de conférences et expliquer le contexte énergétique devant maints micros pour faire entendre une autre parole, présenter d’autres arguments.
Adieu l’ami.
Martine Chartier
- Stratégies énergétiques, pour un développement durable, éditions Charles Léopold Mayer, 1993
- Atlas des énergies pour un monde vivable, Syros, Paris, 1994
- Pas de gabegie pour l’énergie, Éd. de l’Aube/éditions Charles Léopold Mayer, 1994 Énergie : un défi planétaire, Belin, Paris, 1996
- L’énergie solaire, avec François Pharabod, PUF, coll. Que sais-je ? 1996
- « Etude économique prospective de la filière nucléaire française », rapport au premier ministre (2000, la Documentation française) avec JM Charpin et R Pellat
- So Watt ? L’énergie, une affaire de citoyen, avec Hélène Gassin Éd. de L’Aube, 2005
- Peut-on sauver notre planète sans toucher à notre mode de vie ? avec Sylvain David, Prométhée, coll. Pour ou contre ?, Bordeaux, 2010
- En finir avec le nucléaire : pourquoi et comment, avec Bernard Laponche, Seuil, 2011)
- Déchiffrer l’énergie, Belin, Paris, 2014