Le lancement du fonds MAIF Transition à Bellegarde dans le Gard a été l’occasion pour la société Akuo Energy de présenter au ministre de Rugy ses travaux sur les synergies entre production agricole et énergie solaire. Une expérimentation menée par Agriterra, la filiale agricole d’Akuo créée en 2011, qui a débuté à La Réunion où la rareté des terres arables a conduit à un partage exigeant entre culture des sols et production d’électricité et qui se poursuit en métropole ! Un travail de fond pour légitimer la présence du photovoltaïque sur des terres agricoles !
Outre la recherche de financement, la quête du foncier demeure le nerf de la guerre des développeurs photovoltaïques. C’est même le sujet du moment. Et il est d’autant plus sensible que le gouvernement admet « des exigences fortes » en la matière notamment lorsque l’agriculture s’en mêle. D’aucuns admettent même des tensions exagérément exacerbées sur cette problématique eu égard aux surfaces concernées. « 20 GW de solaire, cela ne représente que 0,2% des terres agricoles de France métropolitaine. Il semble pertinent de dépassionner le débat même s’il demeure capital de conjuguer les deux activités, agricoles et solaires, dans un même élan » analyse un expert du secteur.
Exiger un contenu agricole fort
Il faut dire aussi que la rente qu’induit une installation solaire sur des terres agricoles, parfois abandonnées à l’état de friches, peut créer des tensions fortes sur le foncier agricole. La location d’un hectare pour un projet solaire peut atteindre plusieurs milliers d’euros dans le Sud de la France. L’une des façons de contrôler des dérives possibles est donc d’exiger un contenu agricole fort lié à la production d’électricité solaire afin d’éviter des contre-référencements qui ne généreraient uniquement que des revenus solaires, tout en laissant des terres cultivables à l’abandon. Impensable ! « Ce serait la porte ouverte à tous les excès » poursuit l’expert patenté. Ce type de contre-référencements, les ombrières de Bellegarde reprise par Akuo en ont été un exemple. Construites il y a une dizaine d’années sous couvert de plantation de ginseng, les ombrières ont été couvertes par un alibi agricole. La production de ginseng a en effet vite tourné au fiasco. De quoi mettre en pétard, Juan Martinez, le maire de Bellegarde déjà peu enclin à voir les serres photovoltaïques se développer sur le territoire de sa commune. « Ces territoires irrigués doivent demeurer des surfaces agricoles. Ne jetons pas ce territoire en pâture ! Tous les jours, on reçoit dans nos bureaux des opérateurs de fermes solaires. Nous avons une pression énorme. Nous nous battons au quotidien pour nos agriculteurs » lance un brin irrité et dubitatif le maire de Bellegarde en présence de François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire venu à Bellegarde justement pour appréhender l’initiative d’Akuo.
Agrinergie où comment mener de concert les transitions énergétique et agricole
Face aux réticences de Juan Martinez, il revenait donc à Eric Scotto, patron d’Akuo d’apporter les preuves du bien fondé de ce site d’agrinergie de Bellegarde. Quand la société Akuo a émis le souhait de racheter ces ombrières mises en service en 2010, d’une puissance de 5,9 MW, elle s’est fixée pour objectif de leur redonner une vocation agricole affirmée. « Quand tu ne sais pas où tu vas, regardes d’où tu viens ! je salue ici Agriterra notre filiale créée en 2011, qui a fait un remarquable travail sur le sujet du partage de l’espace, entre solaire et agriculture à la Réunion. Agriterra y exploite avec succès 22 hectares conduits en agriculture biologique: élevage, maraichage, PPAM (Plantes à Parfums Aromatiques et Médicinales), apiculture, horticulture etc. Nous menons ainsi de concert la transition énergétique et la transition agricole sans conflit d’usage » s’enthousiasme Eric Scotto. Akuo a donc noué un partenariat avec un agriculteur local, Marc Portier, qui est en pleine reconversion bio sur l’ensemble de son exploitation. Elle s’est aussi appuyée sur le savoir-faire de sa filiale Agriterra mais également sur celui d’un centre de formation spécialisé en arboriculture biologique managé par un passionné de la chose Jean-Luc Valentini. Une partie du verger d’abricotier a donc été plantée en 2012 et conduite en agriculture biologique avec suivi technique associé. « Il nous a fallu rassurer les arbres en adoptant différents types de taille pour optimiser l’épanouissement des fruits plutôt que du bois » indique Jean-Luc Valentini. Une seconde plantation a eu lieu en 2017 avec des abricots, des cerises et du raisin de table à fleuraison rustique, des variétés auto-fertiles avec des critères spécifiques pour contrecarrer les désavantages apportés par l’ombre. « Cette diversité des cultures apporte également un plus notamment dans l’étalement des récoltes de juin à septembre» confie Marc Portier.
La perte de production compensée par les avantages de la structure solaire
Un fait est incontestable. L’ombrage distillé par les panneaux solaires sur ce site de Bellegarde fait tomber le rendement de la production agricole d’environ 30%. Une baisse à relativiser cependant car compensée par les nombreux avantages apportée par la mutualisation des pratiques arboricoles avec la structure : palissage, filets, irrigation. Ces équipements entés à la structure permettent en effet le maintien de revenus constants grâce à la protection des cultures contre les évènements climatiques destructeurs (pluie, grêle, vents, gelée, sécheresse). Par exemple, les événements de grêle se produisent en moyenne une année sur cinq et seront largement amplifiés à l’avenir par les changements climatiques. Et l’épisode extrêmement violent de juin 2019 dans la Drôme qui a saccagé les cultures et où même des pare-brise de voitures n’ont pas résisté aux grêlons en est un témoignage poignant. Les protections sont également efficaces contre les ravageurs de type insectes et champignons. Cela évite les années blanches avec des productions nulles dues à la Monilia maladie qui affecte les fruitiers. Les agriculteurs peuvent ainsi tabler sur une augmentation des revenus de 20% sur 5 ans. En matière d’irrigation, les ombrages permettent aux cultures aux cultures d’éviter tout stress hydrique et de s’épanouir avec trois fois moins d’apport en eau préservant par la même les ressources hydriques. Un point sensible s’il en est au moment où les épisodes de canicules semblent devoir se multiplier à l’avenir. « Sans oublier la réduction des intrants avec des traitements fongiques et insecticides divisés par 4 en moyenne » assure l’expert en agriculture biologique.
Un nouveau design d’ombrières pour répondre au conflit d’usage
La couverture solaire apporte donc son lot de bénéfices pour les cultures à la condition qu’elle ne soit pas trop prégnante comme elle l’est à Bellegarde. Akuo a donc profité de la visite du ministre de Rugy pour présenter son nouveau design d’ombrières, plus léger et plus espacé et sous lequel peuvent passer les engins agricoles. Après des études de luminosité via une modélisation de l’éclairage direct et diffus instantané et une modélisation de l’ombrage moyen sur une période donné, il en ressort qu’avec ce nouveau type d’ombrières la perte de production ne serait que de 15% sans compter les nombreux avantages octroyés par la mutualisation des pratiques arboricoles déjà observés. « Et n’oubliez pas que lorsque nous vendons en bio, nous vendons aussi plus cher nos produits. Sur un plan financier, le compte y sera » assure Marc Portier. Ce nouveau design épuré, dénué de trackers, n’est pas pour autant destiné à concourir dans les appels d’offres innovation de l’agrivoltaïsme. « Nous avons développé ces modèles d’ombrières standardisées pour entrer dans les coûts des familles de centrales au sol qui pourraient disposer à l’avenir d’un volet agricole. Ce sont des réflexions portées par les syndicats auprès de la DGEC. Si des AO s’ouvraient dans ce cadre là, et grâce à notre travail depuis huit ans dans le domaine, nous serions en capacité de démontrer la faisabilité agricole des projets qui sont, et vous l’avez vu, encore fort décrié par certains édiles » confie Thibaut Grangé, directeur d’Agriterra. Le principe d’Agrinergie développé par Akuo s’affirme donc comme une réponse à la question du conflit d’usage des sols, entre production d’énergie renouvelable au niveau local et agriculture responsable. Une double transition énergétique et agricole éthique et durable qui a séduit la MAIF prête à investir 400 millions d’euros sur ces solutions d’avenir contre le changement climatique !
Sun’Agri, l’agrivoltaïsme contre la canicule
La canicule qui frappe la France en cette fin juin se distingue par sa précocité, les épisodes caniculaires se concentrant habituellement de mi-juillet à mi-août. Les agriculteurs, après les gels printaniers et les violentes grêles, vont à nouveau devoir faire face à un événement potentiellement dramatique pour leurs cultures. Les fortes chaleurs provoquent une sécheresse désastreuse aussi bien pour les plantes que pour les sols. Et ces phénomènes sont appelés à se multiplier dans les années à venir, notamment dans le sud de la France où les effets du changement climatique modifient déjà considérablement les conditions météorologiques. Quelles solutions existent aujourd’hui pour protéger les agriculteurs de ces phénomènes ? Comment permettre aux agriculteurs de s’adapter aux désordres climatiques ?
Une solution anticanicule grâce aux trackers
La technologie de l’agrivoltaïsme a justement été mise au point pour apporter aux agriculteurs une solution face aux effets du changement climatique tout en contribuant à la production d’une énergie verte. Cela consiste en des panneaux solaires placés au-dessus des cultures agricoles pour les mettre à l’abri des aléas climatiques et à une hauteur suffisante pour permettre le passage des engins agricoles. Les panneaux solaires sont ici au service de la plante : ils s’inclinent en fonction du besoin en ensoleillement ou en ombre des cultures. Dans le cas d’une canicule, le positionnement des panneaux mobiles permet ainsi de réduire de 20% la consommation en eau des plantes : le positionnement à l’horizontale crée un ombrage suffisant pour préserver les plantes de la sécheresse et donc des limiter les apports hydriques par irrigations. Sun’Agri est un pionnier de l’agrivoltaïsme. Créée en 2009, alors même que le photovoltaïsme « classique » n’en était qu’à ses débuts, l’entreprise a lancé son premier démonstrateur et ses premiers dispositifs expérimentaux en 2018, après plusieurs années de R&D.