En 2019, Photowatt fête ses quarante ans. Cet ancien n°3 mondial de l’industrie du photovoltaïque mondial, est en train de se réinventer pour retrouver un équilibre financier . Une mutation plutôt orientée vers l’amont de la filière et les lingots de silicium via une technologie disruptive ! Objectif : limiter l’impact carbone de la fabrication des wafers pour un solaire plus vertueux…
Dans un passé pas si lointain, la France comptait parmi ses fleurons industriels l’un des leaders mondiaux de la filière photovoltaïque. Installée à Bourgoin-Jallieu dans l’Isère depuis quarante ans, l’usine de Photowatt était encore une référence internationale au début des années 2000. Cette usine verticalement intégrée fabriquait des lingots de silicium jusqu’aux modules et exportait ses produits dans le monde entier. Mais ça, c’était avant. Avant la percée du solaire photovoltaïque planétaire et la déferlante asiatique, essentiellement chinoise, induite. Aujourd’hui, le Top Ten des fabricants mondiaux de modules est trusté par neuf entreprises chinoises et une coréenne. Même Taïwan ne se taille plus une bonne part de marché dans la fabrication des cellules. Dans ce contexte, l’industrie européenne s’est éteinte à quelques survivants près.
Le pari du carbone
Parmi ces survivants, pionnier des premières heures du photovoltaïque, le Français Photowatt demeure toujours en activité soutenue par son actionnaire principal EDF. A l’instar de nombreux acteurs de la profession, Photowatt perd de l’argent depuis 2012. Certes peut-être un peu moins que ses confrères, mais la situation n’est pas tenable en l’état. « Les choses sont claires depuis le 8 janvier 2018. Photowatt se réinvente autour d’un nouveau modèle industriel . Nous avons acté un plan de transformation de l’entreprise basé sur la technologie Monolike développée par l’INES et l’entreprise grenobloise ECM spécialiste mondial des fours de cristallisation. Le Monolike est une technologie innovante dans la cristallisation du silicium polycristallin qui permet d’accroître le rendement des lingots et des wafers pour concurrencer la technologie du PERC sur wafers Monocristallin. C’est un pari technologique français résolument tourné vers une philosophie bas carbone grâce à un mix énergétique hexagonal favorable. « Nous faisons le pari du carbone » souligne Vincent Bès, directeur de l’entreprise. la DGEC procure, via les règles des Appels d’Offres CRE un avantage concurrentiel aux technologies bas carbone. « Les industriels français ont besoin de règles pérennes pour investir » poursuit le directeur.
30 millions d’€ investis dans une mutation à effectifs constants
Photowatt investit donc la bagatelle de 30 millions d’euros dans cette mutation industrielle. L’entreprise berjalienne avait misé sur des équipements européens mais certains fabricants allemands ont fait faux bond. Elle a donc dû se sourcer en Chine. « L’industrie européenne est à reconstruire » lance Vincent Bès un brin dépité par la situation. Au sein de l’usine Photowatt, une capacité de production de 150 MW de wafers est déjà opérationnelle. Avant une montée en puissance en quête d’économies d’échelle jusqu’à 500 MW de capacité pour les lingots Monolike. Au premier janvier 2019, Photowatt comptait 307 salariés. Pour accomplir cette métamorphose industrielle, 220 personnes changent de postes, dans le respect de leur parcours professionnel et de leur compétence technique. En effet, la fabrication des lingots et des wafers va désormais devenir le cœur de métier de Photowatt pour des questions de viabilité économique. Les cellules et les modules seront transportés en Chine principalement chez le partenaire Canadian Solar, avec les Wafer de Photowatt, dans le Top 5 mondial des acteurs et à la « supply chain » éprouvée. Côté clients,, tout porteur de projet peut faire appel à Photowatt pour réaliser une centrale photovoltaïque. Et son futur bilan carbone sera, à n’en pas douter, un atout considérable pour les maîtres d’ouvrage.
Rentabilité à horizon 2021
Photowatt se lance donc dans une nouvelle aventure industrielle. « Au sein de l’entreprise, tout le monde est motivé pour s’inscrire dans les perspectives enthousiasmantes de la PPE avec un photovoltaïque multiplié par 5 à horizon 2030» poursuit Vincent Bès. Ce projet approuvé par les actionnaires et mis en branle depuis 1 an par la société devrait lui permettre de réduire ses pertes dès cette année avec un objectif de rentabilité à horizon 2021. Pour ce faire, il faudra éviter certains vents contraires. Sans parler d’un protectionnisme frontal, le soft protectionnisme à travers l’exemple anglais de l’éolien off-shore fait de solidarité et de bienveillance pourrait être une piste. Comme une idée de circuits courts à l’échelle industrielle dans une logique encore trop oubliée de maîtrise du carbone… La priorité des priorités à l’échelle planétaire.
Quid de l’hétérojonction ?
De 2007 à 2014 avec l’INES, Photowatt s’est attaqué au développement de la technologie de l’hétérojonction qui permet d’accroître le rendement des cellules PV. Sans réel succès à l’époque faute de solutions industrielles efficaces pour le court terme en tous les cas. D’autant que depuis 2014, la technologie PERC a émergée et est venue troublée le jeu, en grattant 2,5 Wcv par cellule, et en devenant la référence. L’avenir, Photowatt y travaille aussi avec l’IPVF de Daniel Lincot, notamment sur des cellules tandem qui visent à atteindre en laboratoire un rendement de 30%. Pourquoi pas, sur une base, devinez quoi ? D’hétérojonction. Un axe de travail fort pour les trois prochaines années pour Photowatt…