Mardi 18 décembre, le Parlement européen et le Conseil européen sont parvenus à un accord politique sur le nouveau cadre du marché de l'électricité de l'UE, incluant la directive sur l'électricité et le règlement sur l'électricité. La législation finale contient des nouvelles dispositions pour soutenir le développement de « communautés énergétiques citoyennes » partout en Europe. Il s'agit de la reconnaissance que les citoyens et les collectivités territoriales doivent pouvoir participer collectivement au développement des énergies renouvelables.
Toutefois, la législation contient également des défauts majeurs et la directive sur la nouvelle organisation du marché est incohérente avec la directive sur les énergies renouvelables conclue plus tôt cette année, en particulier en ce qui concerne les définitions des communautés énergétiques. En outre, la nouvelle législation valide les subventions aux énergies fossiles pendant encore au moins une décennie, sapant ainsi les changements fondamentaux dont le marché de l'énergie européen a besoin pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris sur le climat.
Les bonnes nouvelles
Une nouvelle définition des « communautés énergétiques citoyennes » vise clairement à aider les citoyens européens, les petites entreprises et les collectivités locales à prendre en main la question énergétique sur leur territoire. Les communautés énergétiques citoyennes bénéficieront d'un traitement et d'obligations légales justes, équitables et proportionnelles pour accéder à tous les domaines du marché de l'électricité. Les communautés énergétiques citoyennes pourront également réaliser des opérations de partage d'énergie, ce qui offrira des possibilités d'innovation et de fourniture locale en énergies renouvelables. Le Parlement européen a assuré que les communautés énergétiques puissent valoriser leur énergie renouvelable sur le marché en garantissant un accès prioritaire aux petites installations pour l'injection d'énergie renouvelable sur le réseau.
Le problème
Malgré ces premières avancées, l'accord politique sur les communautés énergétiques citoyennes est loin d'être parfait. La directive sur l'électricité est contradictoire avec les règles relatives aux communautés d'énergies renouvelables énoncées dans la directive sur les énergies renouvelables. De fait, les conditions d'éligibilité et les règles de gouvernance interne des communautés énergétiques seront plus souples pour les communautés énergétiques citoyennes que pour les communautés d'énergies renouvelables.
Une définition trop flexible de la gouvernance des communautés énergétiques citoyennes pourrait permettre à de grandes entreprises d'en créer ou d'en contrôler indirectement. Il pourrait également y avoir des différences dans la manière dont les coûts d'accès et d'utilisation du réseau sont calculés pour les communautés énergétiques citoyennes par rapport aux communautés d'énergie renouvelable. En outre, le Conseil a opté pour que les États membres aient la faculté d'accorder ou non aux communautés énergétiques le droit de gérer des réseaux. Ce maillon est pourtant essentiel pour aller au bout d'une véritable logique de décentralisation.
Alenka Doulain et Mélodie de l'Epine, co-présidentes d'Energie Partagée, déclarent « la reconnaissance des citoyens, des collectivités et des entreprises locales dans le développement des énergies renouvelables est une étape importante qui vient d'être franchie au sein de l'Union européenne. Pour autant, le chemin reste encore semé d'embûches. Nous devons être vigilant à la définition de la gouvernance des sociétés locales citoyennes pour favoriser avant tout un portage local des installations des énergies renouvelables. Il faut rester vigilant à ce que la France réponde aux enjeux de la mise en place de mesures et politiques permettant de retranscrire dans le droit français un cadre facilitant le développement de communautés énergétiques citoyennes et renouvelables. »
« Les citoyens et les acteurs locaux sont prêts à jouer un rôle actif dans les différents marchés de l'énergie de la production à la fourniture d'énergie et de services, pour reprendre en main un système énergétique en France et porter des alternatives démocratiques et écologiques. Mais leur participation est freinée par une concurrence acerbe et un cadre légal inadapté au projet social qu'ils portent. Nous espérons que ces nouvelles dispositions légales en France permettront de voir les communautés énergétiques prospérer sur tout le territoire pour une vraie démocratie énergétique. »
Emmanuel Soulias, directeur général d'Enercoop
Dirk Vansintjan, président de REScoop.eu, explique: « La législation qui vient d'être adoptée offrira de nombreuses opportunités aux communautés énergétiques à travers l'Europe - des opportunités qu'elles n'ont pas aujourd'hui, car celles-ci ne sont même pas mentionnées dans la politique énergétique de l'UE. Il est encourageant que l'UE reconnaisse et soutienne désormais le rôle positif que les citoyens et les communautés peuvent jouer dans la transition énergétique. » Il poursuit : « Bien que nous soyons encore loin du compte, nous devons continuer à travailler avec les Etats membres et avec nos communautés pour mener à bien la transition énergétique. »
Et après?
Avec cet accord, les dernières pièces du paquet législatif Énergie propre pour tous les Européens sont désormais en place. La prochaine étape est que l'accord politique doit être signé à la fois par le Parlement européen et par le Conseil selon leurs procédures respectives. Une fois que la législation entrera en vigueur, les États membres commenceront par inscrire les nouvelles règles dans leur législation nationale.