En cette semaine de pré-rentrée nous revenons sur quelques événements qui ont marqué l’été. Sans conteste, figure en bonne place la conférence « Place au soleil » organisée au ministère le 28 juin par Sébastien Lecornu, secrétaire d'État à Transition écologique et solidaire.
Nous avons déjà publié l’intervention du ministre Sébastien Lecornu et d’Isabelle Kocher, directrice générale du Groupe Engie. Nous poursuivons, aujourd’hui avec l’intervention de Jean-Bernard Levy, PDG d’EDF. Nous publierons demain l’intervention de Patrick Pouyanné, PDG de Total.
Virginie Schwarz (Directrice de l’énergie au ministère de la Transition Ecologique et Solidaire) : Je voudrais maintenant appeler à la tribune Jean-Bernard Lévy, le président directeur général d'EDF. EDF a fait de fortes annonces sur le solaire il y a peu donc ces engagements sont également essentiels.
Jean-Bernard Levy : Merci Virginie, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, Cher Sébastien Lecornu,
Je voudrais d'abord vous remercier de me donner la parole pour rappeler combien EDF place au cœur de sa stratégie, la transition énergétique et tout particulièrement le développement du solaire photovoltaïque. Je voudrais vous dire, Monsieur le Ministre, que les mesures que vous venez d'annoncer, pour nous, marquent un vrai tournant, ces mesures étaient très attendus, disons le cash, la France a un vrai retard en matière d'énergie solaire.
Notre capacité installée est de près de 8 gigawatts cela ne représente 1,7% de la production annuelle d'électricité dans notre pays. Comme vous le savez, l'Allemagne est un pays plus dense et moins ensoleillé que la France, là où nous avons 8 gigawatts, l'Allemagne en a déjà 43, l'Italie en a 20 et l'Angleterre 13.
Longtemps on a cru pouvoir expliquer cet écart, ce retard, par la différence de coût entre l'électricité bon marché que nous offre notre parc nucléaire et le coût élevé du photovoltaïque.
Cet argument de préservation du pouvoir d'achat des français, il était imparable, mais je crois qu'aujourd'hui il est largement atténué, puisque depuis huit ans le coût du photovoltaïque a été divisé par cinq et que ce coût se rapproche de plus en plus des prix du marché non régulé.
Pendant ce temps-là malheureusement en France le rythme de construction des installations solaires n'a pas vraiment accéléré. Il restait en deçà de ce qui se passe dans la plupart des pays qui ont décidé de s'y lancer.
Nous sommes très heureux que vous sortiez d'une vision un peu incantatoire, utopique en matière d'énergies renouvelables, en annonçant des mesures très pragmatiques qui vont nous permettre, je l'espère, de sortir d'une pratique trop malthusienne dans les appels d'offres.
Sortir d'un système où, d'après nos calculs, la moitié des projets lauréats des appels d'offres en matière de solaire, et c'est vrai aussi en matière d'éolien, ne voit pas le jour. Sortir de règles aussi qui ne prennent pas assez en compte le contenu carbone et l'impact environnemental des matériels qui sont installés.
C'est tout le mérite de votre action et de celui de votre équipe Monsieur le Ministre, de traiter ce sujet, le solaire, avec beaucoup de pragmatisme c'est un sujet d'une grande importance pour l'avenir de notre compétitivité énergétique tant sur les prix que sur le bilan carbone.
Vous vous êtes mis à l'écoute des acteurs de terrain à travers les groupes de travail et vous avez sincèrement écouté les opérateurs économiques qui, eux-mêmes, sont sincèrement engagés dans la transition énergétique.
Vous pouvez compter sur EDF pour trouver des solutions et répondre à cette interpellation évidente dans un monde décarboné. Sans beaucoup d'énergie solaire, la part du nucléaire dans notre production d'électricité restera bien au-dessus de 50%. Lorsque je demande à mes équipes de faire des projections (ce sont celles d'EDF), nous estimons qu’atteindre un seuil de 50% d'électricité nucléaire, suppose d'élever la part de l'énergie solaire au minimum à 20%.
Sur ces 20 % ou 100 térawattheures d'énergie solaire, produite un jour en France, EDF se fixe comme objectif d'en construire 30 % soit 30 térawattheures soit 30 gigawatts, c'est le plan solaire d'EDF que j'ai annoncée en décembre dernier. C’est 30 % du marché, c'est important, mais cela laisse une grande place aux autres acteurs, les grands groupes et les PME.
Nous travaillons donc d'arrache-pied depuis plusieurs mois, et déjà avant, pour être prêt dès le début de 2020 à accélérer les déploiements, aussi bien en toiture qu'au sol. D’ores et déjà nous équipons nos propres installations. Après l'inauguration en 2017 des ombrières solaires sur leur parking de la centrale nucléaire du Blayais, nous lançons la construction dès cette année de centrales solaires similaires sur deux autres CNPE (centre nucléaire de production d’électricité) et à terme nous visons l’équipement de la quasi-totalité des parkings de nos centrales nucléaires et de nos autres ouvrages industriels.
S'agissant de nos anciennes centrales thermiques, sur trois d'entre elles, les projets d'équipements de fermes solaires au sol sont approuvés. Les constructions seront terminées d'ici à mi 2020. Au total nous visons la construction, en deux ans, de plus de 100 Mégawatts sur notre propre foncier de manière à donner l'exemple.
Depuis le lancement de notre plan solaire, le plan solaire d'EDF il y a six mois, le volume de projets au sol avec un foncier sécurisé (ou en cours de sécurisation) a augmenté de 60 %. Nous avons identifié à ce jour plus de 1000 hectares pour lesquelles nous instruisons la possibilité de lancer nos développements.
Nous avons aussi revu à la hausse nos propres prévisions d'équipement en toiture des particuliers et des entreprises avec un premier objectif de doublement du nombre de clients EDF entre 2017 et 2018, puis à nouveau un doublement entre 2018 et 2019.
Nous avons renforcé nos efforts en matière de recherche et développement, nous allons bientôt inaugurer l'institut commun l’IPVF (Institut Photovoltaïque d’Île-de-France) avec d'autres grands partenaires français.
Nous avons aussi lancé pour compléter notre plan solaire, un plan de stockage électrique, dans lequel nous allons évidemment travailler particulièrement le couplage entre le stockage et le photovoltaïque.
Pour réussir la transition vers l'électricité solaire, Monsieur le Ministre, nous savons votre administration pleinement engagée, et nous la remercions de cela, et je crois que nous aurons aussi besoin d'un l'engagement de beaucoup d'autres administrations et d'un engagement des Préfets.
Vous le savez Monsieur le Ministre EDF a su depuis 70 ans répondre à tous les défis électriques et énergétiques que la collectivité nationale lui a confiés. L'électrification rurale, le parc hydraulique, puis thermique, puis nucléaire pour accompagner les années de forte croissance économique, la qualité du réseau pour nos clients, pour tous les clients aujourd'hui, l'arrivée de la concurrence et maintenant la transition énergétique.
En 2015 il y a maintenant trois ans j'ai fait prendre un tournant à la stratégie d'EDF. Nous avons adopté la transition énergétique. Avec « Cap 2030 » nous avons mis les énergies renouvelables au même niveau que l'énergie nucléaire dans nos priorités de construction de nouvelles capacités, et en effet depuis deux ans les sommes que nous allouons chaque année pour construire des énergies renouvelables et de nouvelles capacités nucléaires sont identiques.
Notre ambition c'est de déployer en France beaucoup plus de projets solaires que ces dernières années. C'est vrai, aujourd'hui nos principales installations solaires ne sont pas en France, car les conditions jusqu'à présent son meilleures ailleurs, plus stable et plus cohérentes.
Cela va changer avec la série de mesures que vous annoncez Monsieur le Ministre. Nous adhérons à vos discours et d'une façon générale nous adhérons aux discours tempérés, les discours qui refusent qu'on oppose les énergies entre elles, un discours qu'on a déjà entendu dans ces mêmes lieux, de refuser qu'on oppose les énergies entre elles. Nous ne cherchons pas à engager des discours polémiques, nous ne cherchons pas à faire croire aux seuls mérites d'une énergie en pointant les seuls défauts des autres énergies.
Vous nous connaissez bien Monsieur le Ministre, car vous allez régulièrement sur le terrain, vous allez au contact de nos forces vives et nous ne vous n'hésitez pas à assumer les sujets difficiles vous pouvez donc compter sur EDF pour permettre à notre pays d'atteindre les objectifs que vous nous fixerez dans la PPE.
Merci Monsieur Ministre, merci à tous