Créée en Savoie en avril 1979, la société savoyarde CLIPSOL, spécialiste de l'énergie solaire, faisait partie des derniers des mohicans du solaire hexagonal avec GIORDANO et le bureau d'études TECSOL. Faisait, car CLIPSOL n'est plus. ENGIE, actionnaire majoritaire de CLIPSOL depuis 2008, a rendu les armes. Un crève-cœur pour son fondateur André JEAN !
Dans le monde du solaire hexagonal, une page se tourne. Le standard téléphonique de la société savoyarde CLIPSOL ne répond plus, il sonne dans le vide. Pendant trente-huit ans, CLIPSOL a activement participé au développement de l'énergie solaire en France, en pionnier et fer de lance de l'innovation comme en résistant de la première heure lorsqu'il a fallu tenir le cap dans la tempête lors des années où l'activité solaire française était moribonde. CLIPSOL a été de toutes les batailles avec à sa tête André JEAN qui a donné son existence pour la cause solaire. Une passion ; plus encore, l'histoire de sa vie …
Une pépite de l'énergie solaire
Depuis juillet 2016, mois durant lequel a été actée la fermeture définitive de CLIPSOL, André JEAN se dit affligé, complètement écœuré même, par cet immense gâchis. « C'est terrible ce que nous vivons avec mon épouse Denise et nos deux enfants, travaillant également chez CLIPSOL. Nous avons donné notre vie pour cette entreprise. Cette fermeture est un crève-cœur » confie-t-il amer. Pourtant en décembre 2008, lorsque le groupe ENGIE, à l'époque GAZ DE FRANCE, devient majoritaire au sein de la société pour pallier des problèmes de trésorerie, André JEAN croit dur comme fer à la relance de son entreprise, au vu des gages donnés par la direction du grand groupe énergétique. « GAZ DE FRANCE suivait CLIPSOL depuis de nombreuses années et se tenait au courant des innovations de la société, notamment le suivi et le pilotage à distance des installations solaires thermiques initiés avec le Minitel au début des années 1990. Le groupe ne voulait pas passer à côté d'une pépite de l'énergie solaire française à fort potentiel» assure un expert. D'autant que CLIPSOL, fabricant historique de systèmes solaires thermiques dont le fameux Blocsol à production instantanée d'eau chaude et destiné au chauffage des maisons, venait également de prendre le virage du photovoltaïque qui commençait sa formidable croissance. Suite à cette nouvelle orientation, le négoce photovoltaïque a peu à peu pris le pas sur la production encore un brin artisanale des matériels thermiques, une activité assez éloignée de la culture industrielle d'un grand groupe. A l'acmé de son activité, en 2010, CLIPSOL comptait près de 140 salariés pour un chiffre d'affaires de 40 millions d'euros. Une PME avec un essor formidable, mais une PME au pied d'argile.
Des erreurs de stratégie
Au tournant des années 2010, des erreurs stratégiques ont en effet été commises par la direction avec l'achat massif de modules à des prix élevés juste avant le moratoire qui a cassé l'élan de la filière. Dans les mois et les années qui ont suivi, les prix des modules photovoltaïques se sont effondrés de par le monde. Outre l'absence récurrente d'investissements, quelques problèmes techniques d'intégration des capteurs solaires en toiture sont venus entacher l'image de la société d'Aix-les-Bains. Ces défaillances ont fini par plomber l'activité et les comptes de CLIPSOL qui ne s'en relèvera pas, d'autant que dans le même temps, le solaire thermique vivait à nouveau des heures difficiles. Dès 2013, la direction de CLIPSOL s'est lancée à la recherche de repreneurs. Un acteur français de la toiture solaire s'était d'ailleurs positionné nanti d'un solide dossier de reprise. L'affaire semblait parfaitement engagée. Hélas, sans succès : ENGIE décida brutalement la reprise en main de CLIPSOL et son maintien au capital pour au moins 3 ans. Une nouvelle stratégie offensive recentrée autour du photovoltaïque fut élaborée. Durant l'été 2015, à l'issue d'un PSE, la quarantaine de salariés de CLIPSOL encore présente au sein de l'entreprise et inquiète pour son devenir, est allée manifester son mal-être dans les rues d'Aix-les-Bains et de Chambéry. Après l'été, ENGIE annonçait à nouveau la recherche d'un repreneur ce qui créa une ambiance délétère et une démobilisation générale de tous les acteurs de l'entreprise !
Des primes extra légales qui n'incitent pas les salariés à soutenir les repreneurs
Boris JEAN, fils d'André et Denise JEAN, qui était directeur commercial de l'entreprise, est un fin connaisseur du marché solaire. Fort de cette expertise, il a mis sur la table une proposition bien équilibrée qui n'a hélas pas retenu l'attention des mandataires notamment par son absence d'expérience du retournement d'entreprise. D'autres candidats se sont cassé les dents dans cette tentative de reprise. Il faut dire que la partie n'était pas facile. « Chez nous, personne ne voulait entendre parler de repreneur. ENGIE a acheté la paix sociale au prix fort avec des primes extra légales de licenciement extrêmement généreuses. Les salariés ne voulaient pas laisser passer cette opportunité rassurante ! Ces primes sont des incitations à fermer les entreprises sans faire de bruit et dans l'indifférence générale » confirme André JEAN qui en tant qu'actionnaire y a quant à lui laissé des plumes à force d'augmentation et de dilution du capital. A l'été 2016, décision est prise de fermer CLIPSOL. En cet été 2017, l'essentiel du matériel part à la casse, l'entreprise est démembrée et le foncier vendu à de nouveaux entrepreneurs. La fin tragique est devenue réalité. CLIPSOL est entrée dans l'ère de l'éclipse éternelle. La pépite a fini de briller. ENGIE n'a jamais su la porter au firmament. Dans une tautologie de l'échec de la prise en main de PME française en devenir par des grands groupes mondialisés estampillés CAC 40… « Et comme les spots publicitaires ne cessent de le répéter: « ENGIE soutient le développement des énergies renouvelables » » conclut André JEAN, dépité par un tel dénouement.
Le SAV CLIPSOL désormais dans les mains d'ALBOMA
Alors que la fermeture de CLIPSOL est désormais actée et bien réelle dans les faits, ENGIE a lancé un appel à candidatures pour assurer la maintenance des installations existantes. Boris JEAN et deux salariés du site d'Aix-les-Bains ont répondu à cet appel avec succès. Installée non loin d'Annecy, la société ALBOMA créée pour l'occasion a donc repris le SAV de CLIPSOL et se tient prête à régler les problèmes d'étanchéité de toitures, de marquises et de vérandas ou les dysfonctionnements électriques s'il y a lieu. ENGIE ne laisse pas ses anciens clients orphelins.