Qui veut du mal au solaire thermique en France ? Moteur de calcul biaisé, maintien du droit à surconsommer, communication des instances publiques aux abonnés absents, concurrence exacerbée des PAC couplés au photovoltaïque sur fond de distorsion du CITE et dans des conditions pas toujours très reluisantes sur le plan de l'éthique, tout semble être fait pour entraver le développement du solaire thermique en France. Reste que sous l'impulsion du syndicat Enerplan, les choses semblent se décanter un peu. Mais que la bataille est rude…
Depuis quelques années, le marché du solaire thermique français est en souffrance. Autant dire qu'il n'a pas été aidé par les circonstances et certaines dispositions qui auraient de quoi faire jaser les acteurs de la filière. Autant de chausse-trappes ambiguës et dirimantes. Entrons dans le détail de l'enquête.
Des problèmes de paramétrage dans le moteur de calcul de la RT2012
Il y a trois ans, l'initiative SOCOL (Solaire Collectif) portée par Enerplan lançait une première publication, une note d'alerte qui exposait des problèmes de paramétrage dans le moteur de calcul de la RT2012. Artefact regrettable ! « En effet, la régulation « sur température » était bloquée par le moteur de calcul de la RT2012 à un delta T de 3°C, alors que les régulations courantes en collectif fonctionnent avec un delta T de 1°C. De ce fait, ce mode calcul erroné était très défavorable au solaire thermique qui n'apparaissait jamais comme le bon choix à faire et était quasi systématiquement écarté par les bureaux d'études » analyse Edwige Gautier, coordinatrice du projet SOCOL au sein du syndicat Enerplan. Très vite des voix se sont élevées et de nombreux professionnels ont tiré la sonnette d'alarme. Enerplan a pris le taureau par les cornes. Le syndicat a fait réalisé une étude de simulations par le CRIGEN (Centre de Recherche et d'Expertise Opérationnelle du Groupe ENGIE dédié aux métiers du gaz, aux énergies nouvelles et aux technologies émergentes) afin de mettre en évidence le lien entre la valeur du delta T et la sous estimation de l'apport réel du solaire thermique.
La modification du mode de calculs enfin avalisée par la DHUP
Pendant plus de deux ans, et une somme d'efforts incommensurables, plusieurs réunions impliquant la DHUP (Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages) et le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment), se sont tenues pour parvenir enfin à solutionner le problème et débugger le mode de calcul. Depuis quelques semaines, les discussions viennent enfin d'aboutir à la décision de modifier la valeur du delta T à 1°C. « La DHUP vient de donner son accord pour effectuer une modification de paramètres dans le code de calcul afin d'aboutir à une juste valorisation du solaire thermique collectif dans le calcul réglementaire » se réjouit Richard Loyen, délégué général du syndicat ENERPLAN. Les efforts ont payé. Un arrêté modificatif permettant d'appliquer la modification du delta T ainsi que de faire varier le débit calorifique selon la donnée certifiée du capteur, sera pris prochainement. C'est le préalable à la modification du code de calcul par le CSTB qui sera implémentée en suivant par les éditeurs de logiciels RT2012. Une première victoire pour une juste valorisation du solaire thermique collectif dans la RT 2012 ! Le temps presse. Ce malentendu technique n'a que trop duré.
Le solaire thermique collectif performant vis-à-vis des solutions concurrentes
Autre avatar qui a touché de plein fouet le solaire thermique collectif : le maintien du droit à surconsommer dans le logement jusqu'à fin 2017 dans la RT2012. Cette disposition mise en place par le gouvernement pour satisfaire le lobby de la construction et de la promotion immobilière a eu des effets négatifs sur le solaire thermique qui n'a cessé de régresser dans les projets neufs. Et pourtant ! Là encore, Enerplan et Uniclima ont donc chargé le CRIGEN d'évaluer la mise en avant des bâtiments résidentiels collectifs équipés de capteurs solaires thermiques dans l'objectif d'atteindre le niveau RT2012 -20% ( Coefficient d'énergie primaire (Cep) inférieur au moins de 20 % par rapport au Cepmax). Quid des résultats ? « L'approche performance énergétique de l'étude a comparé les différentes solutions solaires (CESC, CESCI et CESCAI) avec des solutions de chaudières gaz + biomasse ou thermodynamique (PAC aérothermique) et même PAC solaire, pour des bâtiments R+4 et R+2 en zones H1a, H2b et H3. Il ressort de cette étude que les solutions solaire thermiques collectives sont très performantes énergétiquement vis-à-vis des solutions concurrentes. Le solaire thermique est à son avantage d'autant que le poste eau chaude prend des proportions importantes dès lors que l'isolation des bâtiments est renforcée avec des dépenses de chauffage réduites » poursuit Edwige Gautier.
La bonification du droit à construire : une aubaine pour le solaire thermique ?
Cependant, les solutions solaires thermiques ont du mal à se démarquer lorsqu'on analyse l'optimum technico-économique et, hormis la réduction des coûts qui est certes un levier important, c'est bien une réglementation plus exigeante qui sera déterminante pour élever la chaleur solaire en solution optimale. Une exigence de 20% sur une valeur moyenne de Cep de 50 kWh/m²/an au lieu de 57,5 changerait complètement la donne. En effet, le niveau de performance énergétique des solutions solaire thermique est tel qu'il serait possible de respecter cette exigence sans renforcer le bâti pour les CESC (Chauffe-eau solaire collectif) et CESCI (Chauffe-eau solaire collectif individualisé), alors que pour les solutions concurrentes il serait quasi systématiquement nécessaire de renforcer l'enveloppe et donc d'augmenter le coût de la solution dans son ensemble. Dans ce contexte, le décret de juin 2016 fixant les conditions à remplir pour bénéficier du dépassement des règles de constructibilité (objectif de performance RT2012-20%) constitue une opportunité pour valoriser le solaire thermique dans le cadre de la bonification du droit à construire. L'une des clés de la résilience du solaire thermique se trouve certainement là, avec la fin du droit à surconsommer pour les logements collectifs neufs.