La reprise des lignes de production de modules solaires de l’usine Bosch de Vénissieux a du plomb dans l’aile. Les repreneurs potentiels réunis entre l’amont (Sillia Energie) et l’aval (Sol Coop) de la filière ont reçu une fin de non recevoir du gouvernement quant à de futurs engagements sur la visibilité du marché à trois ans en termes de tarifs et de volumétrie. Les patrons de Solaire Direct, l’un des opérateurs de Sol Coop, sont désabusés alors que Bruno Cassin, solidaire de cette déception, ne désarme pas. Explications !
Neuf mois de travail, de dossiers déposés, de rencontres au plus haut niveau de l’Etat, à l’Elysée, au sein des ministères et des cabinets. Pour rien. Le néant, le vide, pire le « mépris sur fond de cynisme poussé à l’extrême ». La sentence est tombée jeudi 10 octobre comme un couperet suite à une rencontre tripartite entre les trois M, les ministres Moscovici, Martin et Montebourg. L’Etat ne bougera pas d’un iota. C’est un non ferme et définitif « Dans le cadre de la reprise des lignes de Bosch Solar avec notre partenaire industriel Sillia, nous demandions de la visibilité pour Sol Coop qui réunit cinq opérateurs majeurs du secteur du photovoltaïque. Nous attendions des engagements fermes sur trois ans en termes de tarifs et de volumétrie. Le gouvernement s’est dit dans l’impossibilité de prendre des engagements. La coopérative ouverte Sol Coop autour de laquelle s’est créé un mouvement de sympathie se retire donc. Pourtant, avec les lignes de Bosch Solar, la France était en capacité de donner des capacités industrielles compétitives au solaire photovoltaïque français. Le gouvernement est en train de tuer une industrie compétitive » assène, très amer, Amaury Korniloff, directeur général délégué de Solaire Direct.
« La France capitule. C’est tragique ! »
Dans cette tractation sur fond de survie d’une industrie photovoltaïque française, le gouvernement semble avoir des convictions profondes. « En clair, ils nous ont signifié qu’aucune industrie n’était possible dans cette activité de commodités et que l’industrie solaire amont n’avait aucun avenir en France. Il semble qu’ils ne veulent plus perdre de temps avec cela. La vision industrielle de la France en matière de photovoltaïque, c’est Gamelin en 1940. La France capitule. C’est tragique ! » poursuit, dépité, Thierry Lepercq, PDG et fondateur de Solaire Direct. Et l’aval ne semble pas non plus relever d’une quelconque priorité gouvernementale. Toujours selon Thierry Lepercq, la future loi de programmation qui se prépare pour 2014 ne devrait faire qu’une toute petite place aux énergies renouvelables alors que dans le même temps le photovoltaïque explose partout dans le monde et demain une industrie massive qui connaîtra une croissance de 50% en 2014. « Dément » lâche le PDG écoeuré. Le gouvernement abandonnerait ainsi les énergies renouvelables au motif que la consommation d’énergie en France descend et qu’il est devenu inutile voire dangereux de rajouter des capacités nouvelles même à coût marginal par rapport aux importations de gaz. Les incantations récentes des grands lobbyistes énergéticiens européens donnent le « la » en matière de politique énergétique sur le Vieux Continent. « Les politiques sont aux ordres.
« Nos solutions compétitives sont repoussées car elles sont devenues dangereuses »
« Le solaire dérange dans cette vision archaïque du monde. Le cartel des importateurs de gaz, véritables fossoyeurs des énergies renouvelables en Europe mais aussi de notre balance commerciale, défendent leur pré carré et leurs intérêts existants alors que nous proposons des solutions à coûts comparables. Nos solutions compétitives sont repoussées car elles sont devenues dangereuses. Nos amis allemands du Fraunhofer sont consternés par la nouvelle. Le gouvernement préfère soutenir des énergies non dangereuses comme l’éolien off shore face auquel nous sommes 60% moins cher ou encore les hydroliennes où nous sommes 80% moins cher. Les discours autour de la transition énergétique sont une mascarade. Le gouvernement veut liquider les énergies renouvelables compétitives, un point c’est tout. Le solaire compétitif, c’est comme les Roms. On leur demande de dégager » s’emporte Thierry Lepercq.
Bruno Cassin : « Je ne renonce pas »
Du côté du partenaire industriel Silia Energie, candidat à la reprise des lignes de production de Vénissiuex, c’est bien sûr la déception qui domine. « Je suis forcément déçu par ces réponses désagréables même nous nous y étions préparés tout en restant solidaire de la déception des opérateurs de Sol Coop qui sont de très grands professionnels qui ont réalisé un gros boulot. Je ne vous cache qu’après cette nouvelle, il y a moins de gaîté au programme. Mais je ne renonce pas. Les discussions avec Bosch se poursuivent. Je suis convaincu que l’outil de Vénissieux peut-être productif et compétitif. Notre étude sur cette reprise d’entreprise doit se prolonger » déclare Bruno Cassin, PDG de Sillia Energie qui reste les deux pieds sur terre. « Dire qu’on ira au bout, c’est une autre histoire. Rien ne peut l’attester. Ce que je dis au gouvernement, c’est que ce projet a de la gueule. Si vous en voulez, ne trichez pas ! Il ya des hommes derrière tout cela et l’on ne joue pas avec les salariés » ajoute-t-il un brin véhément. Chez Bosch, on ne cache pas que la décision des trois ministres représente un mauvais signe dans ce projet de reprise. « Il est clair que sans Sol Coop, cela va être plus compliqué. Le projet de reprise a du plomb dans l’aile. C’est un coup de massue, juste affligeant. Pourtant, il ne faudrait pas grand-chose pour retourner la situation : Des appels d’offres récurrents, même si ce n’est pas la panacée, favorisant un contenu local avec une volumétrie acceptable en MW et dénués de technologies ésotériques. On a encore une carte à jouer » espère-t-on encore sans trop y croire au sein de la direction de Bosch Solar France. Aujourd’hui, la production se poursuit à Vénissieux. Mais la motivation déjà largement écornée devrait en prendre un nouveau coup.
Sol Coop est une coopérative solaire ouverte composée de cinq opérateurs du photovoltaïque : Solaire Direct, La Générale du Solaire, Akuo, Coruscant et Green Yellow.
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La question qui dérange !
Si le gouvernement confirme son peu d’intérêt pour une filière industrielle photovoltaïque française pourquoi avoir autant poussé à l’instauration des droits de douanes sur les panneaux chinois justement au nom de la protection de cette même filière qu’il veut voir péricliter ? Paradoxal. Pas tant que cela ! Les droits de douanes ont en fait été plébiscités afin de ralentir l’arrivée de la parité réseau. « La parité réseau, c’est le risque mortel. Cachez ce solaire compétitif que je ne saurai voir. Une industrie solaire française compétitive, quelle horreur » s’exclame Thierry Lepercq. CQFD.
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Réaction du syndicat CFDT de Bosch Solar Vénissieux : Un sentiment de trahison !
Suite au retrait de la coopérative Sol Coop dans le processus de reprise
des lignes de production de modules solaires à l'usine Bosch de
Vénissieux dû notamment au refus du gouvernement de formuler des
engagements aptes à pérenniser le filière sur trois ans, le syndicat
CFDT évoque une catastrophe et un véritable coup de massue pour
l'ensemble des salariés. « Nous ressentons un très fort sentiment de
trahison. Les nouvelles qui nous sont parvenues ne correspondent en rien
aux propos tenus par le ministre de l'écologie Philippe Martin, ni par
les représentants du ministère du Redressement Productif, ni par
l'Elysée d'ailleurs » confirme Marc Soubitez, secrétaire du Comité
d'Entreprise de Bosch Vénissieux et syndicaliste CFDT qui évoque une
double catastrophe sociale et industrielle. « Envoyer un tel outil, l'un
des plus modernes d'Europe à la ferraille. C'est honteux. Cet abandon
réduit à pas grand-chose les discours sur la transition énergétique. En
parler oui, mais la réaliser non ! » poursuit-il dépité.
Un projet de SCOP pour éviter la liquidation pure et simple
Les représentants des salariés de l'usine de Vénissieux ont bien
conscience, que désormais orphelin des opérateurs de l'aval, le
repreneur industriel Sillia Energie aura toutes les peines du monde à
mener à bien son projet de reprise. »Je connais bien Bruno Cassin. C'est
un homme sincère et déterminé mais la probabilité qu'il a, aujourd'hui
de réussir, est mince. Nous devons de notre côté préparer une
alternative » avance Marc Soubitez. Les salariés ont donc décidé de
prendre leur destin en main et de tenter le coup de monter une SCOP
(Société Coopérative et Participative).
Lundi 14 octobre, un premier tract d'informations sera ainsi diffusé à l'ensemble des salariés avant la tenue d'une assemblée générale mercredi. Pour créer cette SCOP, les salariés demandent un soutien important du groupe. « Bosch devra prendre ses responsabilité. Nous demandons la cession de l'outil pour un euro symbolique, la location gratuite des locaux ainsi qu'un soutien technique et financier pendant trois ans. Pour enrichir les compétences de Vénissieux, nous demandons également à Bosch de financer la venue de certains de nos collègues allemands d'Arnstadt afin de pérenniser notre avance technologique. Nous n'oublions qu'en Allemagne aussi les dégâts sociaux sont importants » assure Marc Soubitez. Aujourd'hui, l'usine de Vénissieux dispose d'une capacité de production de 150 MW. « Si nous sauvons 75 MW, ce serait déjà bien » soupire le syndicaliste.