L’hebdomadaire Le
Point a interviewé le président du syndicat Enerplan au sujet de l’actualité
récente de l’énergie solaire, nous reproduisons ci-dessous cet entretien.
Pourquoi le marché français du photovoltaïque est-il si mal en point ?
Thierry Mueth : Les entreprises françaises ne sont pas capables de rivaliser avec les chinoises. Dans l'industrie, on sait que le coût du travail est plus élevé ici que là-bas. De plus, en France, un moratoire décidé fin 2010 a restreint le marché de manière dramatique. En attendant que le nouveau gouvernement relance éventuellement la machine, on n'a produit presque aucun volume. Donc, toute la filière française a subi la charge de l'amortissement, les salaires, des prix non compétitifs, le tout pour très peu de ventes. Ajoutez-y le dumping en Chine, et vous comprendrez pourquoi les entreprises françaises ne pouvaient pas suivre.
Êtes-vous alors satisfait de la solution trouvée entre l'Europe et la Chine sur le marché des panneaux solaires ?
Lorsque la Commission a été saisie (en juillet 2012, NDLR), le prix de vente était de 0,40 euro par watt. À 0,56 euro, on a un écart de 40 %, on ne peut pas dire que ça ne soit pas significatif. Il y a donc moyen de combattre à peu près à armes égales, mais cette condition est loin d'être suffisante. Si vous avez un prix sans avoir un marché, votre usine ne peut toujours pas travailler. Aujourd'hui, le marché du solaire est complètement réglementé par l'État. C'est lui qui décide si on travaille ou non. Or, en un peu plus de trois ans, seuls trois appels d'offres sont arrivés à terme, pour seulement 800 mégawatts de puissance. Ça ne suffit pas.
Donc pour vous, ce n'est pas que la faute des Chinois. C'est aussi qu'on ne veut pas, en France, faire de la place à l'énergie photovoltaïque ?
Oui. Les Chinois en ont certes bien profité, de façon honnête ou malhonnête d'ailleurs. Mais l'industrie solaire a souffert d'une mauvaise gestion publique du marché. Le rapport de la Cour des comptes sorti la semaine dernière dit : "Le solaire a coûté cher." Pourquoi ? Parce qu'il a été géré n'importe comment par l'État (le rapport portait sur la période 2005-2011, NDLR), avec des tarifs trop élevés, puis un coup d'arrêt mis au marché. Des hausses puis des baisses de subventions et, pour finir, des destructions d'emplois (15 000 en deux ans). Beaucoup de fabricants de modules en France - qui représentent un tiers de la filière - sont en attente d'un repreneur, d'autres ont disparu.
La Cour des comptes pointait aussi la faible rentabilité économique de cette énergie et proposait de recentrer les aides sur la recherche et le développement.
Sur ce point, je suis perplexe. La Cour affirme que le solaire photovoltaïque coûte entre 114 et 547 euros le mégawatt horaire. Ce dernier chiffre date de l'été 2006 ! Aujourd'hui, les prix se situent entre 110 et 200 euros (hors équipement pour particuliers, à 250 euros). C'est tout bonnement étonnant. Le solaire, c'est un coût qui a été divisé par cinq en cinq ans. Sans oublier qu'une centrale photovoltaïque, ça n'explose pas... Alors, la recherche, oui, mais il y a aussi les questions d'environnement, qui doivent être prises en compte au présent, pas seulement au futur.
Que demandez-vous à l'État : un plan quinquennal, comme en Chine ?
Je dois rencontrer fin août Philippe Martin (ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, NDLR). Il faut redonner une place et de la visibilité au secteur des énergies renouvelables. J'attends de lui une vision sur trois ans, sans changement des règles, avec des révisions concertées tous les ans sur les tarifs. Si on veut que la France investisse et prenne des risques dans ce marché, il faut ce calendrier. Mais si on lâche prise sur ce secteur, comme dans tous les domaines technologiques, on ne reviendra pas au top. Et on se coupera de possibilités d'exportation incroyables vers l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Amérique du Sud. Autant d'endroits où il y a du soleil et où il est possible de vendre au prix du réseau, voire moins cher.