Faisons de la transition énergétique le moteur du couple franco-allemand
La France et l'Allemagne font aujourd'hui face à un défi qui marquera le
21ème siècle : l'entrée dans une nouvelle ère énergétique. L'économie
de demain devra gérer les matières premières et les ressources de
manière beaucoup plus économe, si nous voulons générer une prospérité
durable dans un monde qui comptera bientôt 8 milliards d'êtres humains
tout en protégeant le climat de manière efficace. La « transition
énergétique » en France ou « l'Energiewende » en Allemagne sont au cœur
de cette grande transformation, dont l'enjeu est de découpler croissance
et consommation de ressources limitées. Elles devront se traduire par
un développement considérable des énergies renouvelables et de
l'efficacité énergétique, afin de garantir le plus haut niveau de
sécurité énergétique et de faire en sorte que l'énergie demeure
abordable pour tous.
Cette transition est aussi une opportunité de contribuer à notre
prospérité. Nous sommes à l'aube d'une nouvelle vague d'innovations
industrielles. Nous n'avons pas su profiter autant que le Japon ou les
États-Unis des deux dernières grandes vagues d'innovations : celle de
l'électronique grand public dans les années 1960 et 1970, et celle de la
révolution numérique depuis les années 1990. Il est d'autant plus
important que l'Europe soit à l'avant-garde de la nouvelle vague
d'innovations des technologies de l'énergie et de l'environnement, sur
des marchés dont le volume doublera au cours de la prochaine décennie.
Nous voulons que la France et l'Allemagne avancent ensemble sur cette
voie et qu'elles soient le moteur de cette nouvelle révolution
industrielle. La France et l'Allemagne sont les deux premiers pays
producteurs d'énergies renouvelables en Europe. Notre coopération
industrielle fait déjà figure de modèle dans le monde entier, notamment
dans le secteur de l'aéronautique avec le développement de l'Airbus par
EADS. Malgré les différences entre nos parcours en matière de politique
énergétique, nous nous retrouvons sur une ambition commune en matière
énergétique.
La transition énergétique en France vise à faire passer la part du
nucléaire dans la production d'électricité de 75 à 50 % à l'horizon de
2025, à augmenter l'efficacité énergétique d'environ 20 % et à faire
passer à environ 23 % la part des énergies renouvelables dans
l'approvisionnement en électricité d'ici à 2020. L'Allemagne, de son
côté, s'est fixé l'objectif de sortir entièrement du nucléaire d'ici fin
2022 et d'atteindre une part d'énergies renouvelables dans
l'approvisionnement en électricité d'au moins 50 % d'ici à 2030. Chacun
de nos pays a son modèle énergétique mais un renforcement de la
coopération entre nos deux pays contribuera de manière importante à
l'atteinte de ces objectifs.
Nous voulons faire de la transition énergétique le nouveau moteur du
couple franco-allemand. Nous avons récemment décidé de créer un Office
franco-allemand pour les énergies renouvelables. Il sera voué à la
coopération entre les entreprises de nos deux pays, mais donnera
également de nouvelles impulsions tant sur le plan politique que sur le
plan scientifique en ce qui concerne, par exemple, la promotion de la
recherche et du développement et le soutien aux énergies renouvelables.
Une politique énergétique commune est décisive pour assurer la
compétitivité de l'Europe. L'un des objectifs importants de la
transition énergétique est de réduire la dépendance des Européens
vis-à-vis des importations d'énergie. Actuellement, l'Europe couvre plus
de 50 % de ses besoins énergétiques par des importations provenant de
pays non membres de l'Union Européenne (UE). Il importe de parvenir à
réduire considérablement cette proportion, afin non seulement de baisser
les coûts énergétiques, mais également d'accroître la création de
valeur et la création d'emplois chez nous.
L'amélioration de l'efficacité énergétique constitue ici un facteur
décisif. Dans ce domaine, nous sommes encore loin d'avoir atteints les
objectifs que nous nous sommes fixés, et tous les États membres ont des
progrès à faire. La directive européenne sur l'efficacité énergétique,
entrée en vigueur en décembre 2012, prévoit la réalisation, chaque
année, d'économies équivalant à au moins 1,5 % de la moyenne des ventes
annuelles d'énergie aux clients finaux des années 2010 à 2012. Cet
objectif doit désormais être mis en œuvre rapidement. Nous y
travaillons.
Pour assurer une plus grande sécurité de l'approvisionnement énergétique
tout en réduisant les coûts, il faut aussi que l'électricité puisse
circuler en Europe et que l'offre coïncide au mieux avec la demande.
Nous devons favoriser les échanges et la sécurité d'approvisionnement en
développant des réseaux à l'échelle européenne. Nous devons renforcer
le système communautaire d'échange de quotas d'émission qui permet de
fixer un prix au carbone et constitue l'un de nos principaux instruments
pour réaliser la transition énergétique et écologique. Le marché
carbone constitue aussi un grand succès d'exportation et a déjà inspiré
d'autres pays. Le système est cependant devenu largement inefficace.
C'est pourquoi nous soutenons énergiquement un gel des quotas (ou «
backloading ») à titre exceptionnel.
Cependant, il nous faudra aussi raréfier de manière durable les quotas
d'émission. Nous ferons en outre un bilan critique afin de déterminer si
cela suffit afin de renverser l'inquiétante tendance vers un retour au
charbon dans la production d'électricité classique. Nous devons
poursuivre nos efforts afin d'atteindre l'objectif des deux degrés fixé
pour le réchauffement climatique lors du sommet de Copenhague en 2009.
Il faudra s'efforcer de dépasser l'objectif de réduction des émissions
de gaz à effet de serre de l'UE de -20% pour 2020. D'ici à 2050, nous
devrons avoir atteint au sein de l'UE une réduction des émissions de gaz
à effet de serre de l'ordre de 80 à 95 %. Dans cette perspective, nous
estimons qu'il est temps que l'UE se fixe des objectifs à l'horizon
2030. Afin de mobiliser les investissements nécessaires dans les
énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et les infrastructures,
des objectifs ambitieux pour la réduction des émissions de gaz à effet
de serre, le développement des énergies renouvelables et l'efficacité
énergétique doivent être rapidement définis pour 2030.
Nous continuons de nous engager ensemble avec persévérance en faveur
d'un accord contraignant portant sur la limitation des émissions de gaz à
effet de serre dans le cadre des négociations internationales sur le
climat. Cet accord devra être contraignant pour tous les États et être
adopté au plus tard lors du sommet de l'ONU sur le climat en 2015, pour
la présidence duquel la France a présenté sa candidature.
Pour porter ces ambitions au niveau mondial, nous avons décidé de créer
un club d'États assumant un rôle d'avant-garde dans la transition
énergétique et favorables aux énergies renouvelables. Nous souhaitons,
en particulier, contribuer au développement des énergies nouvelles dans
les pays du bassin méditerranéen à travers le Plan solaire
méditerranéen. L'Europe a les capacités de prendre la tête de la
nouvelle révolution industrielle et technologique qui s'annonce. Cela
n'est possible que si nous coopérons. Rien n'affaiblirait l'Europe plus
qu'un retour aux égoïsmes nationaux et aux actions isolées. Seule une
Europe forte peut garantir notre prospérité au 21ème siècle et nous
permettre de façonner le nouvel ordre mondial qui émerge.