Benoît Praderie (consultant) et Paul Quilès (ancien
ministre - photo) ont publié une tribune les
Echos du 26 avril que nous reproduisons ci-dessous :
« La
France est un des rares pays européens où la part de l'électricité provenant
d'énergies nouvelles et renouvelables (ENR) a diminué entre 1990 et 2011. Notre
pays se prive ainsi d'un gisement d'emplois, estimé pour 2030 à plus de 500.000
emplois, et d'un formidable filon de croissance et d'innovation.
On sait
par ailleurs que l'efficacité énergétique et le développement des ENR,
ressources nationales, abondantes et inépuisables, représentent un réel atout
pour réduire les importations d'énergies primaires (pétrole, gaz et uranium).
Celles-ci représentaient en 2012 la bagatelle de 69 milliards d'euros.
Il faut donc créer de façon urgente les conditions
d'un « choc énergétique ».
Le pays
s'est lancé fin 2012 dans un débat sur la transition énergétique, dont on peut
regretter qu'il soit peu audible :
organisation confuse, absence de pédagogie, débats territoriaux peu
convaincants. C'est dans ces conditions que se poursuit l'asphyxie de la
filière photovoltaïque, qui a de graves conséquences sur l'emploi. Les «
mesures d'urgence » n'empêchent pas la disparition d'une à trois PME chaque
semaine, dans l'indifférence générale. Ce constat est confirmé au plus haut
sommet de l'Etat : « moins 15.000 emplois en deux ans », a reconnu François Hollande lors de
la conférence environnementale le 14 septembre dernier. Pis, l'organisation du
marché, de plus en plus étouffante, inquiète les quelques PME qui surnagent et
désespèrent d'être entendues. L'objectif récemment revu mais étriqué d'environ
900 MW/an interdit toute ambition industrielle nationale, pendant que des
dispositifs réglementaires font vaciller les efforts et les financements. De
plus, le maintien d'une procédure d'appels d'offres inefficace et de plus en
plus discriminatoire décourage le plus têtu des entrepreneurs, étranglé et
dissuadé par la politique tarifaire.
Bien
sûr, l'objectif peut sembler louable : limiter le dumping chinois. Mais on se trompe de cible. Le but doit être de produire
massivement des kW/h « verts » sur le territoire national, garants d'une plus
grande indépendance, car il s'agit ici d'un des principaux enjeux de la
transition énergétique.
Que
pèsent en effet 200 à 300 millions d'euros de modules chinois importés face aux
69 milliards du déficit énergétique du pays ? L'immense majorité des emplois de
la filière proviennent d'abord de l'ingénierie des projets, de la fabrication
des composants, de la construction, des logiciels, de la maintenance, tous non
délocalisables et à haute valeur ajoutée. Et puis, s'insurge-t-on que les
éoliennes d'Areva ou d'Alstom soient fabriquées
respectivement en Allemagne et en Espagne. S'émeut-on que les cuves des
réacteurs nucléaires EPR actuellement en construction soient fabriquées au
Japon ?
Les
objectifs 2020 sur lesquels la France s'est engagée vis-à-vis de l'Europe sont
pourtant déjà hors de portée. On ne doit donc pas attendre 2014-2015 pour voir
s'appliquer les premières mesures du débat sur la transition énergétique. Si,
pour le solaire par exemple, le moratoire de décembre 2010 a généré, par un
simple arrêté, la perte de 15.000 postes, un nouvel arrêté pourrait en recréer
au moins 10.000 dans l'année. Au nom de quoi s'en priver, alors que la lutte contre
le chômage est considérée par 80 % des Français comme la « priorité des
priorités ».
Il est
temps de prendre rapidement de telles mesures et de fixer un objectif ambitieux
et crédible de production d'énergie solaire (au moins 25.000 MW). Avec de la
volonté et du courage, un choc énergétique est à portée de main. »