
David Guinard (photo), directeur général de Photosol et trésorier de
l'association APESI, n'a pas du tout été convaincu par les mesures
d'urgence annoncées par Delphine Batho le 7 janvier dernier, entre un
système d'appels d'offres contre-productif et un doublement des volumes
qui ne sera effectif qu'en 2014/2015. Pour lui, les PME du
photovoltaïque doivent au plus vite s'affranchir de la tutelle étatique
et se lancer dans le solaire compétitif. Une question de survie !
Commentaires.
Depuis un an, David Guinard et les équipes de Photosol travaillent à
100% sur le solaire compétitif. L'objectif est de trouver le bon modèle
économique pour l'implantation de centrales au sol au tarif moyen
d'achat du kWh aux alentours de 11 centimes d'euro (Tarif T5). Près de
60 MWc sont ainsi en liste d'attente pour une mise en chantier courant
2013. « Nous travaillons sur ce qui existe vraiment, sur ce qui est. Les
appels d'offres proposés encore et encore par Delphine Batho qui fait
du copié-collé de ce proposait Nathalie Kosciusko-Morizet, sont
totalement contreproductifs et débouchent sur des projets portés par des
gros acteurs avec une électricité 30 à 40% plus chères. Ce système
d'appels d'offres ne fait que tuer le développement du photovoltaïque en
France. Arrêtons cela ! » s'agace David Guinard. Autant dire que le
directeur général de Photosol n'attend pas grand-chose des mesures
d'urgence annoncées début janvier par Delphine Batho. « Je ne vois pas
comment le doublement de capacité annuelle annoncée pourra pallier
l'urgence. Avec des appels d'offres attribués en mars 2014, les projets
se feront fin 2014 et en 2015 et 2016. Qui plus est, il s'agit là de
volumes faibles sur des technologies qui ne sont pas les plus matures.
La diversité technologique est certes intéressante mais il ne faut pas
que ça. Donner un véritable avenir au photovoltaïque passe par le
développement de grandes centrales au sol fixes avec du cristallin »
poursuit David Guinard.
«En vendant à perte, les Chinois subventionnent désormais notre électricité solaire photovoltaïque»
Le jeune chef d'entreprise pointe ainsi amèrement du doigt la frilosité
du gouvernement sur « cet enjeu énergétique majeur du photovoltaïque qui
nous dépasse tous ». « Nous sommes en train de vivre un véritable
bouleversement des solutions énergétiques dans le monde. Depuis la
création de Photosol en 2008, le prix du photovoltaïque cristallin a
été divisé par plus de six. Dans les années 2000, les subventions
allemandes ont contribué à la création d'usines en Chine. Aujourd'hui,
en vendant à perte en Europe, ce sont à présent les Chinois qui
subventionnent notre électricité photovoltaïque. Elle est devenue
rentable, grâce à eux, avec un tarif d'achat entre 10 et 11 centimes le
kWh suffisant pour développer des projets qui grèvent peu la CSPE »
affirme David Guinard. Mais c'est justement sur ce point que le
gouvernement ne semble pas du tout d'accord. Si ces projets impactent
peu la CSPE, ils plomberaient lourdement, selon Delphine Batho, la
balance commerciale. Car pour rentabiliser les installations à un tel
tarif, les modules installés sont forcément des modules chinois. Le
calcul est vite fait. 1 GW à 0,50 € le W, cela pèse 500 millions
d'euros. Le gouvernement veut donc limiter ces opérations à celles qui
sont encore dans le tuyau et qui disposent de leur PTF obtenu avant le
1er octobre 2012. C'est la raison de la baisse à venir de 20% du tarif
T5 qui pour le coup rend impossible ce type de projets. Et même
d'ailleurs, selon les professionnels concernés, avec la bonification des
10% pour les produits industriels à contenu européen, l'écart de prix
étant par trop significatif. « Il faut dire aussi que la qualité des
produits chinois, leur garantie de performance et les assurances
proposés sont aujourd'hui privilégiées par les banques françaises »
confie le chef d'entreprise. Les professionnels ont également peu goûté
l'abandon des garanties sur les panneaux Photowatt suite à la reprise
de l'entreprise par EDF. Il y a mieux pour la confiance ! Autre regret
amer quant à ce patriotisme écologique voulu par la ministre Delphine
Batho, les appels d'offres. « Nous avons trop voulu jouer le jeu des
emplois français et de la R&D avec un industriel installé en France.
Nous avons tout perdu et nous sommes un peu dégoûtés ».
« Le sentiment que l'on ne veut pas d'énergies renouvelables en France »
Le tarif T5 s'affiche donc aujourd'hui à 0,084€ le kWh. A ce niveau, les centrales au sol n'ont plus de rentabilité. « C'est un tarif pour 2014.
Le gouvernement doit clarifier sa position. Soit il donne la priorité à
la balance commerciale, soit à l'emploi. J'avais cru comprendre que
c'était à l'emploi. La ministre parle de deux choses qui n'ont rien à
voir. Arrêtons de focaliser uniquement sur l'origine des panneaux, cela
n'a pas de sens. Aujourd'hui, le coût des panneaux ne pèse plus que 15 à
20% des projets sur un investissement ramené à 20 ans. Le reste c'est
de l'activité non délocalisable, de l'ingénierie, de la construction et
de l'exploitation. Sans oublier les retombées sur l'économie locale dans
l'hôtellerie, la restauration, lors de la réalisation de tel projet en
région. Il s'agit là de création de valeur indirecte. A prendre en
compte ! En fait, tout cela donne le sentiment que l'on ne veut pas
d'énergies renouvelables en France de peur qu'elles risquent de
concurrencer un jour ou l'autre les productions plus classiques »
vitupère Daniel Guinard. Pour 2013, Photosol réalisera donc plusieurs
MWc de centrales au sol. Les marges sont certes réduites, mais ces
projets sont optimisés afin d'assurer une rentabilité soutenable pour
les investisseurs. Les montages financiers respectent scrupuleusement
des équilibres tenus. A ce titre, la nouvelle taxe IFER (Impôts
forfaitaire sur les entreprises de réseaux), qui a été modifiée dans le
cadre de la réforme de la taxe professionnelle, instaurée sous le
gouvernement Fillon, est devenue le premier poste de dépense dans
l'exploitation d'une centrale avec un poids de près de 8% annuel devant
les assurances et la maintenance. Le montant de la taxe n'a pas changé
alors que dans le même temps le chiffre d'affaires des centrales, à iso
MWc installés, a été divisé par trois de 0,33€ à 0,11€. Une donnée non
négligeable !
Travailler sur l'avenir, sur les centrales avec stockage
Photosol a également des vues sur l'export et des ambitions à
l'étranger, notamment en Europe de l'Est. « C'est vraiment dommage que
la France se refuse de développer ce savoir-faire sur son marché
domestique, ce qui la prive de références, au grand dam de la ministre
du commerce extérieur Nicole Bricq. Comment se plaindre d'un manque de
références quand on ne fait rien pour les faire éclore ? Sacrée
hypocrisie. Pourtant nous avons des acteurs comme Bouygues (ETDE), INEO
(Vinci Energie) ou Eiffage Energie qui disposent, en plus d'un réseau
international colossal, des compétences très fortes en matière
d'implantations de centrales. Nous pourrions être très actifs à
l'étranger dans le domaine, au Japon, aux Etats-Unis, en Inde et même en
Chine » déplore un autre acteur du secteur. Au-delà des dogmes et des
lobbys, David Guinard qui n'attend pas grand-chose du débat sur la
transition écologique se focalise sur son activité, sur la future
parité réseau, sur l'innovation. « Si le gouvernement devait donner une
bonification, il aurait plutôt dû la donner à des centrales avec
stockage qui représente l'avenir énergétique. Car la question se pose.
Au nom de quoi peut-on aujourd'hui se permettre ne pas rééquilibrer le
mix énergétique français ? » conclut David Guinard.
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L'ingénierie financière de Photosol
« Photosol est un opérateur indépendant d'électricité dont la vocation
est de produire de l'électricité propre. Elle développe, finance et
exploite des centrales photovoltaïques au sol et en toitures. En 2013,
elle a prévu d'investir plus de 80 millions d'euros. Pour ce faire, elle
a développé une ingénierie financière qui relève de l'orfèvrerie. «
Nous avons choisi d'internaliser nos solutions de financement en
s'adressant directement aux investisseurs. Nous avons ainsi effectué des
levées de fonds en capital, avec des Visas de l'Autorité des marchés
financiers, ainsi en obligations convertibles auprès d'investisseurs
particuliers et institutionnels. »