La veille du salon Intersolar de Munich, un quotidien économique national annonçait que Photowatt était en vente et que la société s'apprêtait à réaliser un deuxième plan social d'envergure. Si la première information demeure d'actualité, la deuxième, fortement anxiogène, relevait de la pure élucubration, d'un cumul de chiffres malheureux et infondé. Et la direction de Photowatt de démentir instantanément et de tenter de réparer les dégâts aussi bien en interne qu'auprès des partenaires commerciaux, clients et fournisseurs. A l'heure où Photowatt fourbit sa stratégie de redressement, l'heure n'est pas à tirer sur l'ambulance mais plutôt au soutien tous azimuts. Analyse d'une restructuration en milieu hostile !
Où en est Photowatt ? La question se pose après les multiples rumeurs qui se sont abattues sur la société et son avenir suite à la publication d'un communiqué de presse de la société mère ATS (Automation Tooling Systems). Que n'a-t-on entendu ? L'actionnaire de référence ATS lâcherait Photowatt, la délocalisation se révélerait inévitable alors qu'un deuxième plan social serait déjà dans les tuyaux. Autant d'annonces qui ont eu pour effet de déstabiliser et d'entacher la crédibilité de la société installée à Bourgoin en Isère depuis plus de trente ans. Alors certes oui, Photowatt est en vente, depuis plusieurs mois d'ailleurs, mais Photowatt n'est pas aussi moribonde qu'on veut bien le dire. « Une première restructuration est effectivement en cours avec à la fois des suppressions et des créations de postes mais aussi malheureusement une réduction d'effectifs et une perte nette de soixante-dix postes. A terme, Photowatt comptera quatre cent cinquante salariés. Nous avons besoin de nous restructurer ainsi pour retrouver de la compétitivité qui est le problème récurrent chez nous depuis des années et surtout depuis la montée en puissance de la Chine sur fond d'économies d'échelle colossales » reconnaît Thierry Miremont le directeur général de Photowatt en poste depuis fin 2010.
Downsizing mécanique et optimisation des rendements
La relance de la société passe donc par un traitement de choc qui repose sur trois axes majeurs. Photowatt va dans un premier temps améliorer son potentiel mécanique à travers une politique industrielle de downsizing. La capacité de 70 MW auxquels s'ajoutent les 25 MW du Lab-Fab de PV Alliance va être temporairement portée à 50 MW. Histoire de mettre au rancart les équipements frappés d'obsolescence et de ne travailler qu'avec les machines les plus modernes. Ce désir d'efficience et de baisse de non qualité va de pair avec le volet technologique consacrée à la quête incessante de l'optimisation du rendement des cellules polycristallines signées Photowatt qui est étalonné autour des 16% et bientôt 18% avec l'apport des recherches de PV Alliance. C'est que pour l'heure, et avant le développement plus avant de MPO, Photowatt demeure le seul industriel française a fabriqué ce que les experts appellent le « cœur du réacteur » des modules photovoltaïques à savoir les wafers et les cellules. « C'est là, sur l'amont que se créé la véritable valeur ajoutée du process industriel photovoltaïque, le facteur différenciant. Si Photowatt sous-traite les cellules, ce n'est plus Photowatt. C'est sur ce point que nous pouvons faire valoir nos compétences essentielles, nos trente ans d'expérience, notre savoir-faire. Aucun autre industriel n'a un tel recul, une telle ancienneté sur des produits dont les performances sont garanties vingt-cinq ans. Tout cela me fait croire dans la capacité de rebondir de cette entreprise » lance cet expert ès résilience. La direction de Photowatt n'est ni dupe, ni naïve. Elle sait d'ores et déjà qu'elle a perdu la guerre des volumes et des prix. Que son salut repose sur une stratégie de niche, la qualité et l'innovation en figures de proue d'une reconquête. La cellule en porte-drapeau. D'autant que l'hétérojonction et ses 20 à 22% de rendement se profile à l'horizon. « Notre connaissance du terrain, notre positionnement, notre potentiel en ingénierie, nos deux avis techniques sur Wattéa résidentiel et Wattéa Pro, notre étiquette « Made in France » peuvent justifier un positionnement Premium synonyme de léger surcoût. Les acteurs des marchés publics et même privés comme les agriculteurs très attachés au territoire sont sensibles à nos arguments. Ils savent que si un jour cela va mal, nous sommes là, prêts à réagir et pas inscrit en liquidation judiciaire dans un tribunal de Shanghai » assène Thierry Miremont.
Assemblage des modules en Chine
Deuxième axe fort pour redresser la barre du bateau Photowatt dans la tempête : la mise en place d'un plan d'économies drastiques sur l'ensemble de l'entreprise et ses dépenses. Acheter mieux, faire la chasse au gaspi, limiter les frais de fonctionnement, réajuster les contrats d'achat de silicium au mieux, les gisements sont nombreux. Cette maîtrise des coûts passe également par la sous-traitance de l'assemblage des modules dans l'Empire du milieu. « Nous envoyons nos cellules en Chine chez un sous-traitant de référence. Nous avons des ingénieurs sur place qui s'assurent du bon contrôle qualité et garantissent notre marque. Sous-traiter l'assemblage des modules nous semble une bonne solution car elle nous permet de coller aux rapports de force faec à l'industrie de masse chinoise. Et puis surtout, il s'agit d'une étape à très faible valeur ajoutée » confie le directeur général. Et Thierry Miremont de justement se poser des questions sur la pertinence de créer des usines et d'ériger des lignes d'assemblage de modules en France. « Pour moi, c'est un non sens. Je ne comprends pas l'intérêt de lutter sur ce business de volumes au vu des coûts qui pèsent sur les salariés français. La valeur ajoutée se trouve dans les cellules, pas dans la fabrication des modules. De plus avec le gap à 500 MW qui sera déjà comblé au moins à plus de 50% par les produits chinois et la capacité d'assemblage de modules affichée à près de 800 MW en France, les industriels français vont devoir se tourner vers l'export et se battre sur les prix ou disparaître » analyse froidement Thierry Miremont qui affirme par ailleurs haut et fort être le seul à pouvoir utiliser le label « Made in France » pour ces panneaux. Un paradoxe à l'heure où justement Photowatt fait sous-traiter son assemblage en Chine. « Un panneau Photowatt, c'est 70% de composants français et européens et surtout la fabrication en France de l'élément différenciant majeur à savoir la cellule. Nous avons la légitimité du Made in France que les autres non pas et cela est très important pour nous dans le cadre des marchés publics et même de marchés privés comme les coopératives agricoles qui ont un grand respect de la fabrication française. La demande existe même avec un surcoût » reconnaît Thierry Miremont.
Stimulation des ventes
Dernier volet du plan de relance : la stimulation des ventes de Photowatt sur le marché français mais aussi à l'export. « Nous devons consolider la France et repartir fort sur l'export en pénétrant de nouveaux territoires. Des marchés vont s'ouvrir. L'après Fukushima a ouvert des opportunités sur l'Europe, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Des pays comme le Qatar, l'Arabie Saoudite ont des plans de développement ambitieux avec des ensembles urbains créés ex-nihilo. Il n'est jamais trop tard. Notre programme de transformation en cours d'exécution devrait nous permettre d'être compétitif et ce quelque soit l'actionnaire futur » estime le directeur général volontairement optimiste. Voir plus loin, raisonner long terme, une nécessité aujourd'hui dans la profession de l'industrie photovoltaïque tant le marasme est grand. Même si d'aucuns comprennent les causes du moratoire, la méthode brutale utilisée a laissé des traces. « On nous a interdit de vendre pendant trois mois et cela n'a ému personne. J'ai perdu 40% de mon plan de charges et l'on ne perçoit aucune empathie. La déconnexion des conseillers politiques est très grave. On va se battre » poursuit Thierry Miremont.
Des relents d'amertume
Pour l'heure donc, Photowatt est dans l'attente d'un repreneur. Des contacts seraient engagés avec des groupes français - aucun énergéticien - et étrangers. « Je suis un peu amer que Total soit allé chercher Sun Power, Saint-Gobain est parti en Allemagne et en Corée et EDF flirte avec First Solar. Nous pourrions pourtant faire des choses avec ces groupes français. C'est dommageable » déplore le directeur général de la société iséroise.
Au cas où la vente ne se réalise pas avant l'automne, ATS a d'ores et déjà engagé un processus de séparation via un spin off afin de sortir Photowatt France et Ontario du groupe ATS tout en conservant le même noyau d'actionnaires. Cette opération permettra au groupe de gagner en lisibilité et ne plus brouiller les cartes entre automatisme et photovoltaïque. Il faut dire également qu'aujourd'hui et sur un plan purement financier, les faibles résultats de Photowatt pénalisent la performance boursière de l'ensemble du groupe.
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