Début mars, la société Nexcis a inauguré ses locaux de Rousset dans les Bouches du Rhône. Créée en novembre 2008 et opérationnelle depuis juillet 2009, cette société innovante a pour vocation à développer un procédé low cost de production de cellules photovoltaïque en couches minces (CIGS) via une technologie de rupture. Objectif : développer un process compétitif par rapport au silicium cristallin chinois ou au CDTE de First Solar, autour d'une ambition industrielle française !
En pleine campagne des Régionales, Michel Vauzelle, aujourd'hui réélu président de la Région Alpes-Côte d'Azur, était venu inaugurer les locaux de la société Nexcis à Rousset, une ancienne unité de fabrication six pouces du site de ST Microelectronics qui a connu une rénovation lourde de plus de trois mois pour un montant de 1,5 million d'euros. C'était le trois mars dernier. Menant une campagne fortement tournée vers l'emploi, Michel Vauzelle avait alors été très sensible à la volonté de cette jeune société de bâtir une véritable filière industrielle française, basée sur des process innovants de production low cost de capteurs photovoltaïques en couches minces à partir de la technologie CIGS (Cuivre, Indium, Gallium, Sélénium). Une grande motivation pour porter cette ambition qui ne demande qu'à sortir de sa chrysalide !
Investir dans une technologie de rupture
Comment percer et se faire une place aujourd'hui dans le secteur industriel hyper concurrentiel du photovoltaïque mondial ? Pour Olivier Kerrec, directeur général de la SAS Nexcis (capital 1 000 000 euros, pas de doute, le salut passe aussi par l'innovation et la différenciation des produits mais aussi par le choix des bons partenaires, financiers et techniques. Et justement, l'actionnariat de Nexcis en dit long sur le potentiel de cette start-up qui compte déjà trente-huit salariés. Outre Olivier Kerrec, la SIIF (Société Internationale d'Investissement Financier), EDF ENR, EDF EDEV, une holding d'investissement d'EDF et IBM sont entrés au capital de Nexcis qui est présidée par Paris Mouratoglou. « Il s'agit d'un partenariat stratégique de haut rang, tant en amont sur le plan technologique, qu'en aval en matière de commercialisation. Nos actionnaires seront nos premiers clients » assure le dynamique président heureux d'avoir su convaincre un tel aréopage.
Aujourd'hui donc, Photowatt mise à part, la France accuse un retard important sur les technologies cristallines. Faire émerger une filière photovoltaïque n'est réaliste qu'à travers une technologie de rupture. « La clé de la démarche : investir dans la Recherche et Développement sur un process compétitif afin d'être très rapidement performant pour prendre place sur l'échiquier mondial du photovoltaïque. Au moins dans le peloton de tête » espère Olivier Kerrec.
Innovation : Du procédé à l'encapsulation
Depuis quelques mois, Nexcis travaille donc sur la technologie des couches minces CIGS, celle qui doit permettre de passer un cap. Les Américains Nanosolar ou Solyndra sont d'ores et déjà très présents sur ce filon. Pour l'heure, et outre la technologie liée au nanoparticules mise en place par Nanosolar, la réalisation des couches minces en CIGS est essentiellement fondée sur un procédé classique qui consiste à co-évaporer, sous vide, du cuivre, du gallium et de l'indium en surpression de sélénium. Eh bien, Nexcis a pour ambition de réaliser ces opérations en limitant justement les étapes sous-vide et en les réalisant sous pression atmosphérique avec à la clé des gains de temps et de coût. Les ingénieurs de Nexcis sont ainsi en train de mettre au point un système d'électro dépôt de cuivre, d'indium et de gallium recuit sous atmosphère de sélénium et de soufre. Ils s'affairent également au rayon des polymères afin de découvrir une encapsulation plastique transparente, souple et suffisamment résistante pour garantir une durée de vie de vingt ans. « Pour l'heure, un tel produit qui garantirait ce cahier des charges n'existe pas. Des développements sont en cours en France et à l'international » précise Olivier Kerrec. La première génération de capteurs bi-verre classique CIGS est d'ores et déjà sur le marché. Mais elle demeure onéreuse face au cristallin chinois. De par sa structure même (poids du verre), elle n'est également pas aisée à disséminer à grande échelle. Nexcis concentre donc ses efforts sur cette deuxième génération qui devrait voir sortir des produits légers et flexibles avec une réduction de poids par dix, à moins de quatre kilogrammes au m². L'enjeu est de taille.
Création d'une filière
Débutée en avril 2009, la phase de R&D devrait prendre fin en avril 2011 ! Une date qui ne signera pas pour autant l'arrêt du laboratoire et de ses salles blanches qui viennent d'être inaugurés. Le Nexlab a vocation à perdurer sans cesse, en quête de nouvelles idées.
Dans son road map, Nexcis a également prévu de construire un pilote industriel dans les deux ans : le Nexfab 1. Histoire de valider à échelle 1 la pertinence et viabilité du projet. Avant de lancer le Nexfab 2 à horizon 2013, une unité de production capable de sortir 100 MW, et plus si le succès est au rendez-vous. Pour réaliser ces projets, Nexcis dispose de 20 millions d'euros sur deux ans abondé par Oseo, les Collectivités Territoriales, l'Etat et bien sûr l'Europe.
« Et nous ne pouvons pas faire cela tout seul. Le pari est vraiment de créer une filière industrielle, appuyé par des fonds d'amorçage Oseo et les institutionnels. La réussite est à ce prix et passe par une visibilité de long terme » précise Olivier Kerrec. Pour atteindre ces objectifs et consolider les savoirs, Nexcis veut développer des partenariats ciblés avec des PME et des centres académiques pour faire fonctionner toutes les synergies possibles et intégrer des procédés de fabrication innovants développés pour d'autres marchés et sécuriser les approvisionnements en amont. IBM, intégré au capital de Nexcis apporte également son savoir-faire dans le process d'électro dépôt avec cinq ingénieurs qui se consacre à cette tache aux Etats-Unis..
Des puces dans les capteurs
« Le succès de notre société repose sur cette notion de synergie notamment entre la micro-électronique et le photovoltaïque. Elle a été pensée autour de cette idée, dès sa genèse. Pour preuve plus de 60% de nos salariés viennent de la micro-électronique. Nous nous sommes adossés à cette industrie bien en place. C'est très important pour nous. De plus, cette industrie de la micro-électronique était très intéressée conjoncturellement par le développement de ces marchés de substitution. Pour une vraie complémentarité ! » se réjouit le chef d'entreprise. Ce maelström de compétences est susceptible, et c'est son but, de produire des effets vertueux pour les produits en développement. Nexcis, avec le soutien technique de STMicroelectronics, envisage ainsi d'intégrer des puces électroniques au sein de ses capteurs pour un suivi millimétré des installations. « Ces synergies nous permettent de développer des produits complexes, à forte valeur ajoutée en matière de différenciation par rapport à la concurrence » ajoute Olivier Kerrec.
Aujourd'hui et parmi d'autres, Nexcis porte l'espoir français de création d'une filière photovoltaïque autour d'une stratégie de rupture technologique. L'ambition est de sortir le plus rapidement possible des modules dont le tarif devrait se situer en dessous de l'euro au Wc. D'aucuns évoquent 0,80 euro soit environ un dollar le Wc pour être vraiment compétitif par rapport au cristallin. Avec un point fort affiché : le procédé CIGS sous pression atmosphérique couplé à une encapsulation souple et légère. « Dans deux ou trois ans, il devrait nous être ainsi possible, d'accéder au marché des toitures à faible charge au sol, avec une technologie compétitive tant en terme de prix de vente que de poids ». Avec des rendements autour de 10% » conclut Olivier Kerrec. Certains actionnaires de NEXCIS, futurs clients potentiels, sont d'ores et déjà impatients de voir sortir ce type de produits. Oà quand les synergies capitalistiques et industrielles deviennent également des synergies commerciales !