A l'aube du printemps, et juste après les élections Régionales - mais le gouvernement avait-il besoin d'attendre au vu des résultats ? -, les arrêtés fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par des installations utilisant l'énergie radiative du soleil ont enfin été publiés au Journal Officiel daté du 23 mars 2010. Entre rétroactrivité pour désarçonner les spéculateurs et coups de pouce aux agriculteurs, ces arrêtés ne font que confirmer les communiqués de presse du ministère sortis le 17 février dernier. Alors que des recours se préparent, la profession et le SER, notamment, jouent l'apaisement. Etat des lieux !
Cet hiver, la publication des arrêtés fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par des installations utilisant l'énergie radiative du soleil, c'était plutôt « En attendant Godot » ou « Le Désert des Tartares ». La procrastination portée à son paroxysme sur fond de vaticinations exaspérantes ! Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l'environnement du cabinet Huglo-Lepage stigmatise d'ailleurs la durée de la prise de décision dans la mise en place du nouveau dispositif tarifaire. Avec à la clé, des inconvénients et des préjudices importants pour certains acteurs notamment via la suspension du financement par les banques qui ont mis bon nombre de projets en stand-by. Et parfois le temps ne se rattrape pas. « Il ne fait aucun doute que le gouvernement a eu raison de réguler la filière mais il existait d'autres instruments que le tarif pour sortir les « voyous ». Les lois relatives à l'urbanisme - le décret du 19 novembre et la circulaire du 18 décembre – auraient pu permettre de réguler et de moduler tout ça dans le calme et la sérénité » déplore Arnaud Gossement.
Des arrêtés juridiquement suspects
De nombreux projets de bonne foi sont donc aujourd'hui très largement remis en cause. Et des opérateurs de demeurer sur le qui-vive. Nombreux sont ceux qui observe avec acuité les problèmes fondamentaux de droit que pose cet arrêté, avec cette notion de rétroactivité qui n'est pas la traduction des engagements pris par le Ministre concernant les projets déjà bien avancés. Certains de ces projets vont malheureusement disparaître alors que des coûts importants de développement avaient déjà été engagés. « Ces arrêtés confirment en effet la rétroactivité avec cette barrière des 250 kWc qui partagerait d'un côté les projets de bonne foi et d'un autre côté ceux de mauvaise foi. Je pense que le gouvernement sera amené à s'expliquer sur cette frontière arbitraire, curseur psychologique des intentions des porteurs des projets. Certains, au-dessus de 250 kWc, ne seraient dictés que par l'appât du gain, d'autres, en dessous des 250 kWc, que par des motivations écologiques. Plus souvent d'ailleurs, les deux aspects sont mis en avant par les porteurs de projets. Alors comment fait-on le tri ? Cette idée d'orientation psychologique des projets est juridiquement suspecte » commente l'avocat. Elle prête en tous les cas le flanc à la critique mais aussi à de possibles actions judiciaires. Aujourd'hui, même si le Syndicat des Energies Renouvelables et que certains opérateurs jouent la carte de l'apaisement, il n'en demeure pas moins que des recours ne devraient pas tardés à être formulés par des opérateurs photovoltaïques auprès des instances compétentes pour d'éventuelles indemnisations de préjudices. « La situation est très complexe. Les arrêtés constituent un véritable puzzle. De plus, les recours, qui ne peuvent être collectifs je le rappelle, ne sont pas suspensifs. Les opérateurs doivent quoiqu'ils en soient faire avec la nouvelle législation en place pendant les mois qui viennent . C'est-à-dire s'organiser et voir avec leur banque si les projets lancés peuvent être viables à 42 centimes d'euros » poursuit Arnaud Gossement.
Certification préfectorale ubuesque
Sur ces nouveaux arrêtés, Jocelyn Duval du cabinet Kalioppé n'en revient quant à lui toujours pas des dispositions tarifaires obtenues par le monde agricole notamment entre 36 et 250 kWc. « C'est juste incroyable. Les lobbys du monde agricole et le recours gracieux engagé ont maintenu la pression. Cela dit, cette mesure est également assez discriminante car elle s'adresse avant tout aux agriculteurs qui ont les moyens de réaliser de tels investissements. D'un autre côté, elle prive les agriculteurs en difficulté, qui avaient fait appel à un tiers pour l'investissement, d'une ressource supplémentaire. Il y a une différence notable de traitement » lance-t-il.
Sur ce dossier agricole, Arnaud Gossement pointe également du doigt la disposition floue de procédure de certification préfectorale qu'il qualifie d'ubuesque. « J'espère que les préfets vont recevoir rapidement une circulaire qui explique le pourquoi du comment. La question qui se pose, c'est : « Pourquoi n'avoir laissé qu'un mois pour saisir l'opportunité du 60 centimes plutôt que du 42 ? » s'interroge l'avocat. Il est en effet stipuler sur l'arrêté que le producteur devra disposer d'une attestation du préfet de département, sollicitée par le producteur au plus tard un mois après la date de publication du présent arrêté à savoir au 23 avril 2010. Une période très réduite pour rassembler les pièces et la demande motivée qui va avec. « Il n'y a rien de pire que la précipitation dans ce cas. Les risques d'erreurs juridiques dans le respect des procédures sont réels et viendront se greffer à la problématique existante. Pourquoi faire simple, me direz-vous ? » ironise Arnaud Gossement.
Vide juridique
Autre période qui devrait créer des complications, celle comprise entre le 11 et le 15 janvier 2010. « Au-delà de la rétroactivité fortement critiquable entre le 1er novembre et le 11 janvier, il y a cette période du 11 au 15 janvier qui relève du vide juridique. Que va-t-il se passer pour les opérateurs qui ont déposé sur cette période ? Je dois dire que ce qui se passe est assez incroyable. C'est très grave » poursuit Jocelyn Duval qui regrette par ailleurs la disposition qui exclut les bâtiments neufs de la prime d'intégration, ce qui met un frein à la promotion des bâtiments propres pour l'avenir. En tous les cas et sur un plan juridique, ces nouveaux arrêtés demeurent très perfectibles vis-à-vis de l'exégèse pure et dure. Mais l'essentiel aujourd'hui ne serait-il pas ailleurs ?
La filière va enfin pouvoir redémarrer
Pour le Syndicat des Energies Renouvelables (SER) en tous les cas, le publication de ces arrêtés très attendus va enfin permettre à la filière de redémarrer. Et telle était à l'heure actuelle la priorité. « Il était question de problème de survie de certaines entreprises engagés dans des projets valides en suspens. Sur ce point, le gouvernement nous a entendu, notamment sur les projets de plus de 250 kWc dont le maître d'ouvrage avait manifesté l'accord et payé l'acompte de PTF . Cet amendement nous a permis de sauver 550 MW de projets » confirme Arnaud Mine, président de SOLER. Il n'en reste pas moins que certains projets tout à fait valides suivant les termes de l'arrêté de 2006 font rester en rade. « C'est un fait mais il fallait bien trouver une solution à l'effet de bulle, à cette situation qui n'était pas acceptable sur un plan des dépenses publiques. C'est un coup de semonce salutaire. Depuis quelques mois, les prix ont évolué à la baisse. Les entrepreneurs doivent faire accepter à leur client ces nouvelles règles » poursuit Arnaud Mine. Qu'on se le dise, le marché du photovoltaïque demeure attractif en France sur la base des nouveaux tarifs en vigueur.
Vers un marché assaini
Et ce n'est pas Nicolas Jeuffrain de l'entreprise Tenergie qui dira le contraire. « Nous sommes satisfaits et soulagés de sortir d'une période d'incertitude. Nous estimons que le marché va s'assainir et que certaines pratiques vont disparaître. Les nouvelles conditions tarifaires 2010 doivent permettre à la filière de continuer à se développer de manière professionnelles sans tomber dans les excès connus fin 2009. Dans ce contexte, Tenergie va poursuivre sa croissance en 2010, créer des emplois et se positionner comme un des acteurs incontournables des centrales intégrées au bâti. Cela va nous permettre de continuer le développement de notre parc intégré toiture par l'accélération des mises en chantier (déjà 1 MW en exploitation, 1 MW mise en chantier en mars, 4 MW d'ici juin). Nous espérons que les engagements pris seront cette fois respectés, afin de structurer durablement la filière. Nous espérons que les pouvoirs publics et l'ensemble des intervenants du secteur sauront tirer les enseignements de ces derniers mois et construire ensemble une filière pérenne et créatrice d'emplois ». Pour Arnaud Mine, pas de doute. La crise qui vient d'être traversée et qui a abouti à ces nouveaux textes n'est plus qu'un (mauvais) souvenir. « Aujourd'hui est le point de départ d'un processus de pilotage de la filière. Le SER et SOLER auront notamment à coeur d'être force de proposition en matière industrielle, dans la continuité de la réflexion que nous avions initiée avec l'annuaire 2010 des fabricants et fournisseurs de l'industrie photovoltaïque publié récemment. Nous nous appuierons également sur les pôles de compétitivité. Et nous saurons prendre nos responsabilité au travers une ligne d'exigence et des préoccupations éthiques et citoyennes ».
Pour en finir avec le psychodrame photovoltaïque qui a, malheureusement, un tantinet écorné l'image d'une énergie qui jouissait d'une popularité sans pareille. Demain est un autre jour !