Thierry Lepercq est le fondateur de la société Solaire Direct qui est devenue en quelques années un acteur incontournable du développement du solaire photovoltaïque en France. Au-delà des installations que la société multiplie en toiture ou au sol, elle s'est engagée à construire deux usines d'assemblage de panneaux en Poitou-Charentes et dans les Alpes de Haute Provence. Thierry Lepercq s'impose aujourd'hui comme un observateur avisé du marché du photovoltaïque et de la récente effervescence dont il fait l'objet. Sa position sur le tarif est surprenante. Interview : Morceaux choisis !
PS : Thierry Lepercq, dans son communiqué, le ministère a évoqué les spéculateurs. En faites-vous partie ?
TL : Certainement pas. Je ne me sens pas visé par cette attaque. Au contraire. Pour être clair, nous avons déposé sur 2009, environ 10 MW en toiture et 80 MW au sol. Tout cela s'est fait de manière très professionnelle et réglementaire avec permis de construire, déclarations préalables, enquêtes publiques, études d'impact et autorisation en tous genres suivant que les projets étaient développés au sol ou en toitures.
PS : Avez-vous également beaucoup déposé sur les deux derniers mois de l'année ?
TL : Pour le sol, nous étions plutôt fixé sur le décret du 17 novembre. Pour l'intégration en toiture, l'échéance tarifaire nous a fait accélérer un peu le mouvement mais sans trop non plus. Nous devons avoir 3MW affectés par cet effet rétroactif. Nous sommes assez peu touchés, juste quelques hangars agricole non clos qui devraient passer à 42 centimes le kWh.
PS : Quid du neuf ?
TL : Nous nous sommes refusés à faire du neuf. C'était la porte ouverte à toutes les dérives.
Une combinaison d'avantages excessifs
PS : Justement qu'avez-vous pensé du communiqué du ministère sur les spéculateurs de bâtiments neufs qui ont sévi en cette fin d'année 2009 sur le marché ?
TL : Cette sortie du ministère concernant les spéculateurs est largement fondée et légitime. Les termes sont même tendres par rapport à la réalité de ce qui vient de se passer. Nous avons assisté à une véritable ruée vers l'or avec une combinaison des avantages totalement excessifs entre loi TEPA (Travail Emploi Pouvoir d'Achat) et le tarif d'achat déjà plus que substantiel. C'est un mouvement spéculatif porté par des individus qui ont fait des demandes de contrats d'achat sans permis, sans demande de raccordement, sans financement. Une somme de projets neufs théoriques à la conquête d'un tas d'or. La vision qui en résulte peut choquer l'opinion.
PS : Mais la façon de faire du gouvernement n'est pas trop abrupte tout de même, avec cette façon de mettre un peu tout le monde dans le même sac ?
TL : Il est vrai que c'est un coup de barre brutal et nocif. C'est une affaire malheureuse qui laissera des traces notamment sur les financements des projets. Les banquiers ont plus que tout besoin de stabilité. Cette histoire ne va pas leur apporter la sérénité qu'ils réclament sur le marché du photovoltaïque même si je persiste à penser que cette baisse des tarifs est une bonne chose. Elle est même très insuffisante à mon avis personnel.
La spéculation va reprendre
PS : Vous pensez donc que les tarifs n'ont pas assez baissé ?
TL : Peu de gens l'ont relevé mais les tarifs, outre la baisse visible, ont également connu un changement des règles d'indexation avec une pondération à 25 contre 60 auparavant. Sur 20 ans, l'impact sur le tarif moyen devrait s'élever à plus de 7%. Il s'agit d'une baisse de tarif discrète, sans le dire, sur vingt ans. C'est pour moi une bonne chose mais ce n'est pas suffisant encore. J'estime qu'à l'heure actuelle le gouvernement devrait anticiper une nouvelle baisse de 15 à 20% d'ici à la fin de l'année, en plus de celle déjà enregistrée avec l'arrêté du 12 janvier.
PS : Une baisse supplémentaire, vous y allez un peu fort non ? Ne faut-il pas déjà digérer la première ?
TL : Certes, mais au niveau oà nous sommes encore, je crains d'ores et déjà une forte reprise de la spéculation. Regardez l'Allemagne. Au sol, ils sont à 24 centimes le kWh avec 30% de soleil en moins que nous qui nous situons dans une fourchette entre 31 et 37 centimes. Pour les Allemands, le tarif au sol correspond à 17 centimes par rapport à nous tout au plus. Pareil sur les toitures, oà même avec 42 centimes le kWh, nous sommes bien mieux lotis que les Allemands qui peinent à atteindre les 30 centimes. Croyez-moi la spéculation va reprendre bon train si rien n'est fait.
Attention au coup de grâce !
PS : Avec quelle crainte au final ?
TL : Si la spéculation reprend, ma crainte est que le gouvernement aille vers une réaction plus dure encore, et ce avant fin 2010. Il existe un risque réel de voir souffrir la filière. Il faut d'ores et déjà envisager une baisse de tarif plus rapide. Les organisations professionnelles, qui défendent légitimement les intérêts à court terme de leurs membres, semblent dépassées par l'ampleur du phénomène, qui exige d'adopter une vision plus durable.
PS : Qu'entendez-vous par là ?
TL : Sur ce marché, nous devons, nous acteurs du photovoltaïque, travailler autour d'une démarche collective et proposer une vision. Je pense que la profession doit se réguler sur la base d'un pourcentage minimal de contenu local. Nous devons développer de la planification dans les territoires autour d'une démarche constructive et ainsi montrer aux pouvoirs que nous sommes des gens responsables. Il est urgent que tout le développement que nous vivons dans le photovoltaïque aujourd'hui génère une filière nationale dès maintenant. Soit la profession l'entend, soit …
PS : Soit ?
TL : Soit nous allons vers une situation à l'Espagnole avec un deuxième coup de semonce qui pourrait être un coup de grâce avec tout de même à la clé, la perte de la quasi majorité des dix mille emplois que compte la filière. A nous de prendre la mesure de ce défi.
Thierry Lepercq est le fondateur de la société Solaire Direct qui est devenue en quelques années un acteur incontournable du développement du solaire photovoltaïque en France. Au-delà des installations que la société multiplie en toiture ou au sol, elle s'est engagée à construire deux usines d'assemblage de panneaux en Poitou-Charentes et dans les Alpes de Haute Provence. Thierry Lepercq s'impose aujourd'hui comme un observateur avisé du marché du photovoltaïque et de la récente effervescence dont il fait l'objet. Sa position sur le tarif est surprenante. Interview : Morceaux choisis !
PS : Thierry Lepercq, dans son communiqué, le ministère a évoqué les spéculateurs. En faites-vous partie ?
TL : Certainement pas. Je ne me sens pas visé par cette attaque. Au contraire. Pour être clair, nous avons déposé sur 2009, environ 10 MW en toiture et 80 MW au sol. Tout cela s'est fait de manière très professionnelle et réglementaire avec permis de construire, déclarations préalables, enquêtes publiques, études d'impact et autorisation en tous genres suivant que les projets étaient développés au sol ou en toitures.
PS : Avez-vous également beaucoup déposé sur les deux derniers mois de l'année ?
TL : Pour le sol, nous étions plutôt fixé sur le décret du 17 novembre. Pour l'intégration en toiture, l'échéance tarifaire nous a fait accélérer un peu le mouvement mais sans trop non plus. Nous devons avoir 3MW affectés par cet effet rétroactif. Nous sommes assez peu touchés, juste quelques hangars agricole non clos qui devraient passer à 42 centimes le kWh.
PS : Quid du neuf ?
TL : Nous nous sommes refusés à faire du neuf. C'était la porte ouverte à toutes les dérives.
Une combinaison d'avantages excessifs
PS : Justement qu'avez-vous pensé du communiqué du ministère sur les spéculateurs de bâtiments neufs qui ont sévi en cette fin d'année 2009 sur le marché ?
TL : Cette sortie du ministère concernant les spéculateurs est largement fondée et légitime. Les termes sont même tendres par rapport à la réalité de ce qui vient de se passer. Nous avons assisté à une véritable ruée vers l'or avec une combinaison des avantages totalement excessifs entre loi TEPA (Travail Emploi Pouvoir d'Achat) et le tarif d'achat déjà plus que substantiel. C'est un mouvement spéculatif porté par des individus qui ont fait des demandes de contrats d'achat sans permis, sans demande de raccordement, sans financement. Une somme de projets neufs théoriques à la conquête d'un tas d'or. La vision qui en résulte peut choquer l'opinion.
PS : Mais la façon de faire du gouvernement n'est pas trop abrupte tout de même, avec cette façon de mettre un peu tout le monde dans le même sac ?
TL : Il est vrai que c'est un coup de barre brutal et nocif. C'est une affaire malheureuse qui laissera des traces notamment sur les financements des projets. Les banquiers ont plus que tout besoin de stabilité. Cette histoire ne va pas leur apporter la sérénité qu'ils réclament sur le marché du photovoltaïque même si je persiste à penser que cette baisse des tarifs est une bonne chose. Elle est même très insuffisante à mon avis personnel.
La spéculation va reprendre
PS : Vous pensez donc que les tarifs n'ont pas assez baissé ?
TL : Peu de gens l'ont relevé mais les tarifs, outre la baisse visible, ont également connu un changement des règles d'indexation avec une pondération à 25 contre 60 auparavant. Sur 20 ans, l'impact sur le tarif moyen devrait s'élever à plus de 7%. Il s'agit d'une baisse de tarif discrète, sans le dire, sur vingt ans. C'est pour moi une bonne chose mais ce n'est pas suffisant encore. J'estime qu'à l'heure actuelle le gouvernement devrait anticiper une nouvelle baisse de 15 à 20% d'ici à la fin de l'année, en plus de celle déjà enregistrée avec l'arrêté du 12 janvier.
PS : Une baisse supplémentaire, vous y allez un peu fort non ? Ne faut-il pas déjà digérer la première ?
TL : Certes, mais au niveau oà nous sommes encore, je crains d'ores et déjà une forte reprise de la spéculation. Regardez l'Allemagne. Au sol, ils sont à 24 centimes le kWh avec 30% de soleil en moins que nous qui nous situons dans une fourchette entre 31 et 37 centimes. Pour les Allemands, le tarif au sol correspond à 17 centimes par rapport à nous tout au plus. Pareil sur les toitures, oà même avec 42 centimes le kWh, nous sommes bien mieux lotis que les Allemands qui peinent à atteindre les 30 centimes. Croyez-moi la spéculation va reprendre bon train si rien n'est fait.
Attention au coup de grâce !
PS : Avec quelle crainte au final ?
TL : Si la spéculation reprend, ma crainte est que le gouvernement aille vers une réaction plus dure encore, et ce avant fin 2010. Il existe un risque réel de voir souffrir la filière. Il faut d'ores et déjà envisager une baisse de tarif plus rapide. Les organisations professionnelles, qui défendent légitimement les intérêts à court terme de leurs membres, semblent dépassées par l'ampleur du phénomène, qui exige d'adopter une vision plus durable.
PS : Qu'entendez-vous par là ?
TL : Sur ce marché, nous devons, nous acteurs du photovoltaïque, travailler autour d'une démarche collective et proposer une vision. Je pense que la profession doit se réguler sur la base d'un pourcentage minimal de contenu local. Nous devons développer de la planification dans les territoires autour d'une démarche constructive et ainsi montrer aux pouvoirs que nous sommes des gens responsables. Il est urgent que tout le développement que nous vivons dans le photovoltaïque aujourd'hui génère une filière nationale dès maintenant. Soit la profession l'entend, soit …
PS : Soit ?
TL : Soit nous allons vers une situation à l'Espagnole avec un deuxième coup de semonce qui pourrait être un coup de grâce avec tout de même à la clé, la perte de la quasi majorité des dix mille emplois que compte la filière. A nous de prendre la mesure de ce défi.